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C’est sur le site même de l’exposition Splendeurs des miniatures que Claude Bastien m’accueille. Des bénévoles y travaillent sans relâche. Ici et là des maquettes jonchent le sol au milieu des scies à onglet, pots de colle, bois, outils et quantités de petits accessoires. Au premier regard, je suis frappé par l’ampleur du travail. Chaque maquette a son emplacement, son histoire, sa raison d’être. Tout a été soigneusement assemblé. Plus loin, d’autres maquettes vivent dans l’attente qu’on leur attribue un espace pour exister à nouveau. Notre entretien prend place au milieu de ce chantier, à même ce concert d’instruments infimes et majestueux. Là, il me partage que ce goût de construire des maquettes lui est venu d’une demande d’un précédent recteur en 2003. Jadis, le Sanctuaire avait reçu en cadeau huit maisons en porcelaine, « ce qui me semblait alors assez commun, on en voyait un peu partout » me confie Claude. Donc, les autorités du Sanctuaire de l’époque sous l’impulsion de ce recteur, lui-même imaginatif et habile de ses mains, interpellèrent Claude Bastien, également reconnu pour ses qualités dans les travaux manuels, afin que celui-ci puisse bâtir une petite crèche pour Noël avec fontaine et tous les mécanismes qui y sont associés. Il s’exécute aussitôt avec succès. Quelque mois plus tard pendant l’été, un petit moulin à scie émerge de son imagination et de ses doigts et se joint à l’édition suivante de Noël en Lumière. Par la suite, chaque nouvelle édition verra apparaître un édifice différent. À ce moment, Claude n’était pas pleinement conscient de son talent. Mais il était fasciné par les expositions de maquettes et de leur potentiel créatif. Au fur et à mesure que celles-ci s’ajoutaient d’une année à l’autre, le village de Noël prenait de l’ampleur au point que « nous ne pouvions plus contenir le tout derrière la Basilique, tellement il y en avait. Il nous fallait trouver un autre lieu », précise Claude. Aujourd’hui, l’exposition est à l’emplacement du restaurant situé au Centre de services (fermé pour l’hiver) et nous sommes à quelques semaines de l’ouverture officielle.

Ce goût du détail : tel est le cœur de l’œuvre de Claude Bastien. Le succès d’une maquette repose sur cette capacité justement qu’ont les artisans de révéler les détails et les reliefs. Claude est mu par cette recherche. Très souvent, un cours d’eau traverse ses maquettes révélant au passage une certaine poésie du mouvement. Il puise aussi dans ses souvenirs familiaux, fait de recherches minutieuses sur les moulins à scie ou à vent, fasciné qu’il est par la dynamique des forces éoliennes ou hydriques. Sa réplique du moulin à scie reprend en partie le fonctionnement des forces motrices en présence.

Claude a une imagination fertile. Il invente des bâtiments traditionnels tels que sa cabane à sucre ou une ferme de cultivateur, celle de son grand-père notamment. Pour les personnes qui viendront visiter Splendeurs des miniatures cette année, elles constateront qu’il n’y a pas que les édifices dont il faut examiner les surfaces, mais aussi les forêts déployés, les champs, la vallée avec ses clôtures, ses animaux, la machinerie utilisée et son fameux train électrique, etc. Sur certaines maquettes, il nous en révèle même les entrailles, avec les ateliers, les garages, les chambres, dans un souci du détail époustouflant. Tout cela contribue au bonheur de faire revivre un environnement avec son histoire particulière. Son respect du patrimoine agraire, son héritage familial – puisque ses parents étaient cultivateurs – est très important pour lui. Mais il y a aussi les réactions du public dont il ne peut se passer. Il est heureux de les entendre s’exprimer sur son travail. Il adore se mêler à la foule, incognito, afin d’en prendre toute la mesure. Alors, il se sent comme un enfant au milieu de jouets. À qui veut l’entendre, il n’hésitera pas à affirmer qu’il s’agit pour lui d’un travail de persévérance et de patience.

Un de ces défis majeurs demeure la réalisation de portes et de fenêtres avec ce que cela peut impliquer en termes de précision, de calculs. « Dans une fenêtre, il peut y avoir plus de vingt morceaux différents et chacun a sa place, et il faut coller cela ensemble. Certains jours, rien de fonctionne et là, je laisse mon travail en plan et j’y reviens plus tard. Le gagnant dans cette aventure, c’est le Sanctuaire. Je suis si heureux de pouvoir lui donner ce temps et j’aimerais que ces maquettes fassent partie d’une vision plus grande; que davantage de personnes et des jeunes en particulier puissent venir les voir et qu’ils participent un jour à leur réalisation. Des ateliers pourraient être créés, etc. » Claude partage cette passion avec ses parents, sa sœur et plusieurs de ses amis. Chose rare, ils sont tous faits du même métal et une même passion les anime. Lors de mon passage, ils étaient là à coller, nettoyer, redresser, visser, harmoniser, habiller le village, la forêt, le clocher de l’église, le moulin. Avec le sourire et beaucoup d’amour, la famille Bastien perpétue son histoire au cœur de ce Noël en Lumière 2018.

Le Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap est fier d’intégrer le travail de ce maquettiste hors du commun à l’ensemble de sa programmation. Un travail de moine, dirions-nous, incarné dans la vision d’un homme humble et dévoué; un sacristain, régisseur et maquettiste au service d’un havre de paix, d’une collectivité; un homme perspicace enclin à servir un idéal de beauté à l’échelle d’un petit soldat de plomb. Toute cette entreprise exige du temps, engageant des heures et des heures que le premier concerné ne consacre pas toujours à sa conjointe, mais il est convaincu que le chemin en vaut le détour et que le public sera au rendez-vous encore cette année. Splendeurs des miniatures, du 21 décembre 2018 au 6 janvier 2019 de 15h à 21h. Consultez la programmation sur le site du Sanctuaire ou sur noelenlumiere.com.

Par Sylvain-Alexandre Lacas