Hervé Aubin, 1927-2021

Voici, un article de la chronique « Souvenons-nous » de la Revue Notre-Dame-du-Cap publié dans le numéro de mars 2022 écrit par André Dumont, o.m.i.

Apôtre de la lumière

La coïncidence était remarquable. Le père oblat Hervé Aubin passait de la mort à la vie, âgé de 94 ans, au soir du 7 octobre, grande fête ecclésiale de Notre‐Dame du Rosaire. Celle qu’il avait aimée, servie et annoncée durant les 50 plus intenses années de sa vie apostolique, au sanctuaire même du Rosaire, Notre‐Dame‐du‐Cap!

Il était né en 1927 à Amisbury, au Massachusetts. Après quelques années aux États­-Unis, sa famille revient pour de bon au Canada, à Saint-Damien de Bellechasse. Le père est employé de maintenance des sœurs de Notre-­Dame du
Perpétuel Secours, pour leur couvent et leur orphelinat voisins. Ce qui vaut à fiston et à ses deux petites sœurs le privilège d’un professeur privé, à la maison, pour toute l’école primaire. À 13 ans, en 1940­-1941, Hervé tente le cours classique à Lévis. Mais le goût n’y est pas. Il préfère, de 15 à 17 ans, étudier en agriculture.

De 18 à 24 ans, il est monteur de ligne pour l’Hydro, apportant l’électricité jusqu’au bout des rangs de campagne. Il en rira plus tard, racontant: « On nous appelait “les gars de la lumière”… Humour providentiel: me voilà devenu, par la suite, comme oblat, un gars de la lumière, mais pour le Christ qui proclamait: “Je suis la Lumière du monde!” »

« LA GRANDE GRÂCE DE MA VIE »

Des notes intimes, révélées après son décès, nous dévoilent la suite du film. « J’avais 18 ans, raconte­-t-­il. Je ne rêvais plus que de “vivre ma vie”. D’être libre! Mais je ne pris pas longtemps à constater que cette vie mouvementée ne comblerait jamais ma grande soif de bonheur. Je ne trouvais rien qui pût l’étancher. La vitesse du temps ! La considération de la rapidité de la vie me faisait peur. »

Et voilà que les supposés hasards de la vie frappent notre jeune homme de 25 ans. « Durant une retraite fermée (avec le père Victor Lelièvre, à Jésus­-Ouvrier), Dieu me fit la grande grâce de ma vie… Au milieu de plaisirs nombreux et d’amis que j’avais parfois moi-­même entraînés dans ces amusements, je n’étais pas heureux ! Je ressentais un vide dans ma vie! Dieu multipliait ses invitations… » Et le miracle se produit: « Je m’étais rapproché de Lui. Lorsque je priais, c’était pour demander le courage de rompre avec tout et de Le suivre… Et j’allai demander mon entrée aux vocations tardives à Jésus-­Ouvrier. Dès le premier jour de ma décision, je sentis mon âme en paix. Cette sérénité n’a fait qu’augmenter depuis. »

À 27 ans, après son cours classique « en accéléré » à Québec, il entre au Noviciat oblat à Richelieu et prononce ses premiers vœux le 15 août 1955. Après ses vœux perpétuels en 1958, il est ordonné prêtre par Mgr Maurice Roy, le 11 juin 1960, entouré de ses proches, à la chapelle du Grand Séminaire de Québec.

HEUREUX AVEC LE MONDE ORDINAIRE

Après sa formation pastorale à Ottawa, Hervé reçoit le 10 juin 1962 sa plus grande obédience: le Sanctuaire du Cap, l’amour de sa vie. Lui qui n’avait rêvé que d’atteindre le monde ordinaire, les travailleurs, dans un langage qu’ils comprennent. Groupes de pèlerins en flots continus, anglophones et francophones. Neuvaines de l’Assomption, en équipe dynamique. Immenses processions aux flambeaux, où sa belle voix résonne souvent. Époque inoubliable pour Hervé, heureux avec ce monde ordinaire qu’il affectionne: « Saint Eugène [de Mazenod], avait-­il écrit dans une prière, toi qui as reçu le don d’aimer les pauvres et les petits, de te faire proche d’eux, montre-­nous à les aimer et les respecter! »

D’août 1976 à décembre 1985, le voilà directeur, plein d’audace et talent, de la revue Notre­-Dame­-du-­Cap. Sous sa houlette, influence Vatican II et belles couleurs vives y rayonnent.

COMME UN VITRAIL

On peut dire, sans exagérer, qu’il était un spécialiste pour présenter les vitraux de la basilique Notre-­Dame­-du­-Cap. Des œuvres exceptionnelles, illustrant le Nouveau Testament pour le peuple, par l’oblat hollandais Jan Tillemans.

Ainsi, finement, profondément, jusqu’à la fin, Hervé laisserait passer la lumière qui embrase une vie, comme elle embrase un vitrail qui autrement serait sans vie. De l’avis de tous, quel conseiller merveilleux, pasteur d’écoute, cet homme d’humilité, mais aussi avec du caractère, capable de donner son opinion!

TÉMOIN DE L’ÉVANGILE… JUSQU’AU BOUT

Apôtre jusqu’à la fin, Hervé recevait sa dernière obédience pour Richelieu le 10 février 2015, à 87 ans. Il avait, à son
compte, une grande œuvre, plusieurs chants spirituels, et deux volumes particulièrement remarqués : Un vrai Inuk, Marcel Rio et surtout Le Seigneur est avec toi, ouvrage marial exceptionnel, accessible. La première page donne le ton. Hervé voit une auto arriver: « À l’arrière, trois ou quatre enfants regardent leur père qui s’en vient vers moi: “Le Petit Sanctuaire est-­y ouvert? Ma femme sort de l’hôpital. On vient d’avoir une petite fille. Puis on voulait que la première chose qu’elle voie dans sa vie, ce soit la Sainte Vierge.” Que j’ai trouvé ça beau! Monsieur et madame, c’est à vous que j’ai pensé en écrivant ce livre. » Le monde ordinaire, la mission d’Hervé.

Les dernières années de sa vie ici­-bas furent pour lui une expérience de paix, de prière. En fauteuil roulant, apprendre à s’abandonner, simplement.

Ses funérailles ont été célébrées le 15 octobre à la basilique Notre-­Dame-­du­-Cap. Ses cendres ont été ensuite inhumées au cimetière Sainte-­Madeleine. MAGNIFICAT, avec Marie, les anges et les saints. Éternellement!