Regards bibliques est une chronique écrite par Sébastien Doane, professeur d’études bibliques Université Laval dans la Revue Notre-Dame du Cap de juillet-août 2023.

Et Dieu vit que cela était bon !

Redécouvrir le sabbat comme expérience de repos et de délices

La Bible est claire: le samedi doit être un jour de repos. Et c’est si important que c’est une question de vie ou de mort: «Quiconque y fera de l’ouvrage sera mis à mort » (Exode 35,2). Pas le choix de s’arrêter. Or, avec le rythme de vie aujourd’hui, cette proposition est aussi contre­-culturelle que nécessaire.

LE SABBAT DANS LA CRÉATION ET LA LIBÉRATION

L’origine du sabbat reste floue. Aucun récit biblique ne raconte son institution. Il semble d’abord avoir lieu une fois par mois avec la pleine lune (Amos 8,5; Osée 2,13; Isaïe 1,13; 2 Rois 4,23). Puis, au retour de l’Exil, le sabbat devient un jour de repos hebdomadaire. Les deux versions des dix commandements le mentionnent. Contrairement au meurtre qui semble aller de soi, le sabbat doit être justifié. La version du Deutéronome rappelle l’expérience de l’esclavage en Égypte: Dieu a libéré les Hébreux du travail forcé et, par conséquent, ils doivent en profiter pour commémorer cela dans le repos le plus total. La version de l’Exode explique plutôt que Dieu lui­même s’est reposé après les six jours de Création. Retournez à la première page de votre bible pour voir ce qui est le pinacle de la Création. Ce n’est pas de façonner l’humain: c’est l’invention de la sieste! À la fin du poème de la Création, Dieu vit que l’ensemble de ce qu’il avait créé était très bon (Genèse 1,31). Puis il s’arrêta au 7e jour et bénit ce jour.

UN SABBAT PLUS QU’HUMAIN

Le sabbat concerne l’ensemble de la création. Si le commandement est adressé aux hommes libres hébreux, le repos s’étend aussi à leurs esclaves, aux étrangers et aux animaux d’élevage. Lors des années sabbatiques, même la terre a droit au repos (Lévitique 25,1­7). La création a quelque chose à nous apprendre du sabbat: «Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent point dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit! » (Matthieu 6,26)

SE REPOSER SAMEDI OU DIMANCHE ?

Plusieurs passages décrivent Jésus en train de guérir lors du sabbat. Loin d’éliminer le repos, ces passages sont à placer dans un grand débat au sein du judaïsme sur les activités permises et proscrites. Comme Jésus, les premiers chrétiens continuent de vivre le sabbat le samedi et commémorent le repas du Seigneur le dimanche. C’est l’empereur romain Constantin au 4e siècle qui imposa le repos le dimanche dans l’ensemble de l’Empire. Un des contrecoups du déplacement du sabbat vers le jour du Seigneur est l’oubli progressif de l’obligation biblique du repos. Cela dit, il y a toujours eu des groupes de chrétiens qui poursuivront le sabbat le samedi. Aujourd’hui, les adventistes du 7e jour continuent cette tradition. La fin de semaine telle qu’on la connaît provient donc du repos accordé lors des fêtes hebdomadaires du judaïsme et du christianisme.

UN DES PLUS BEAUX DONS DE DIEU

Que ce soit le samedi ou le dimanche, cet été vous êtes invités à redécouvrir un des plus beaux dons de Dieu. Faites­-en l’expérience! Peut­-être que vous redécouvrirez une certaine forme de liberté par rapport à nos servitudes contemporaines ? Peut­-être que ça peut devenir l’expérience de nous reconnecter avec le reste de la création?

Nous sommes tentés de penser la foi comme un contenu à croire ou une relation personnelle à développer avec Dieu. Le sabbat rappelle que nous sommes des êtres incarnés en relation avec les autres et avec la création. Nul besoin d’attendre le repos éternel pour profiter de la vie autrement. Un ou deux jours par semaine pour tout arrêter au nom de notre foi. Pourquoi pas ?

sebastien.doane@ftsr.ulaval.ca 

PHOTO : CLARISSE MEYER/UNSPLASH

Carnet de voyage
UN SABBAT À JÉRUSALEM 

À six heures, partout dans la ville, on entend le bruit du shofar, un instrument biblique fait de la corne d’un animal. Le sabbat va bientôt commencer. Je me dirige au Mur occidental. Quelques personnes m’avaient confié des prières à écrire sur un bout de papier et à placer dans le mur comme le veut la coutume. Dès que j’ai sorti mon crayon et mon carnet, au moins trois personnes se dirigent vers moi pour m’arrêter avant que j’écrive un seul mot. L’écriture est un travail et ne doit donc pas être autorisée
lors du sabbat. On m’indique avec force que j’aurais dû écrire avant que le sabbat ne commence. Je commence à comprendre Jésus qui, lui aussi, a eu beaucoup de problèmes avec l’observance stricte du sabbat.

Je prends une des kippas gratuites et un livre de prières juives mis à la disposition des pèlerins et je me fais un chemin vers le mur. Plus j’approche, plus il y a du monde. Je récite quelques psaumes, puis je réussis à toucher au mur. J’avoue que l’atmosphère de dizaines de milliers de personnes priant en même temps m’a ému et que je sentais que j’étais à la bonne place pour avoir un cœur à cœur avec Dieu. J’ai apprécié l’aspect festif du rassemblement. Plusieurs groupes chantaient, sautaient et dansaient le plus fort possible. Le surnom du mur des Lamentations montre qu’on porte une image peu joyeuse du judaïsme. Pourtant, j’y ai vu des groupes très heureux de vivre le sabbat dans la joie exubérante.