Voici, la chronique du 23 au 29  septembre 2022 du feuillet de La vie au Sanctuaire.

L’indifférence qui déshumanise

La parabole de l’homme riche sans nom et du pauvre Lazare, est l’une de ces pages d’évangile qui nous interpelle et nous invite à tendre la main au pauvre. Elle nous sensibilise aussi aux conséquences néfastes du mépris, de l’indifférence et du manque de charité. Un discours dur qui vient des lèvres de Jésus et qui s’adresse à tous ceux et celles qui ont tendance à détourner le regard du pauvre ou à mépriser les pauvres aux multiples visages.

 L’homme riche méprisant et sans charité, pour qui l’argent est devenu une identité, est sans nom. Le pauvre homme, par contre, porte le nom de l’ami de Béthanie de Jésus. Une heureuse coïncidence qui laisse percevoir les battements du cœur de Jésus, la préférence de Dieu.

Le pauvre est mort et a été emmené dans le sein d’Abraham, le riche lui, a été enterré en enfer. Pourquoi ce dernier est-il condamné ? Pour le luxe, les vêtements de marque, les excès de la gourmandise ? Non. Son péché est l’indifférence à l’égard des pauvres, la dureté de son cœur. Sa richesse l’empêche de voir l’autre dans sa misère : pas un geste, pas une miette, pas un mot. Ici, le contraire de l’amour c’est l’indifférence par laquelle l’autre n’existe même pas, et Lazare n’est qu’une ombre parmi les chiens. «L’indifférence pour autrui est un premier pas vers l’homicide» nous dit le Pape François.

Le pauvre est élevé ; le riche est enterré au fond : aux deux extrêmes de la société dans cette vie, aux deux extrêmes après. Entre nous et vous, un grand fossé s’est creusé, dit Abraham. La grande séparation déjà créée dans la vie, perdure. Car, l’éternité commence dès ici-bas, elle se glisse dans l’instant, montrant que le mal est engendré et nourri par nos choix égoïstes, sans cœur : le pauvre se tient sur le seuil de la porte, le riche entre et sort et ne le voit même pas, il n’a pas les yeux du cœur mais du mépris, du dédain. Trois gestes sont absents de son récit : voir, arrêter, toucher. Trois verbes très humains, les trois premières actions du bon Samaritain. Ils manquent, et des murs sont érigés.

S’il vous plaît, envoyez Lazare avec une goutte d’eau sur son doigt… envoyez-le pour prévenir mes cinq frères… Non, même s’ils voient revenir un mort, ils ne se convertiront pas. Les miracles ne suffisent pas pour ouvrir le cœur de certaines personnes. Ce n’est pas la mort qui convertit, mais la vie. Ils ont Moïse et les prophètes, ils ont le cri des pauvres, qui sont la parole et la chair de Dieu. Il n’y a pas d’apparition qui compte autant que leur cri : « Si tu pries et qu’un pauvre a besoin de toi, cours vers lui « . Le Dieu que tu quittes est moins certain que celui que tu trouves » (St Vincent de Lellis).

Wedner Bérard, o.m.i.