Voici, un article de la chronique « Billet du Sanctuaire » de la Revue Notre-Dame-du-Cap publié dans le numéro dw mai 2022 écrit par Rémi Lepage, o.m.i.

Mère de Miséricorde

Une fois que Marie eut ouvert les yeux devant trois témoins, dans l’ancienne église du Cap-­de-­la-­Madeleine, le Père Frédéric décrivait le prodige en ces termes : « La statue de la Vierge, qui a les yeux entièrement baissés, avait les yeux grandement ouverts; le regard de la Vierge était fixe; elle regardait devant elle, droit à sa hauteur. L’illusion était difficile : son visage se trouvait en pleine lumière par suite du soleil qui luisait à travers une fenêtre et éclairait parfaitement tout le sanctuaire. Ses yeux étaient noirs, bien formés et en pleine harmonie avec l’ensemble du visage. Le regard de la Vierge était celui d’une personne vivante; il avait une expression de sévérité, mêlée de tristesse. Ce prodige a duré approximativement de cinq à dix minutes. »

Ainsi, lorsqu’elle a ouvert les yeux, Notre-­Dame du Cap a eu un regard triste et sévère. Je me suis souvent demandé quel sens pouvaient avoir ces sentiments dans les yeux de Marie. Nous parlent-­ils vraiment de Marie elle-­même ? Se peut-­il que les propos du Père Frédéric révèlent plutôt son propre état d’âme ? Ou encore des traits de la culture religieuse de l’époque ?

Il faut dire que Cap-­de­-la-­Madeleine n’est pas le seul endroit où Marie s’est manifestée avec de la tristesse. Elle a montré un tel sentiment en d’autres lieux, notamment à Lourdes et à La Salette. Quoi qu’il en soit, les paroles du Père Frédéric demandent à être interprétées.

Si l’on se risque à interpréter ces sentiments de Marie, c’est dans l’amour qu’on les reçoit le mieux. Car comment Marie, notre Mère, n’était-elle pas en train de nous aimer dans ce regard? Or, il me semble que l’amour nous appelle à reconnaître, dans ces sentiments de Marie, combien elle est pour nous Mère de Miséricorde. En effet, être miséricordieux, c’est être remué jusque dans ses entrailles devant la misère de l’autre. Si la miséricorde fait cela, elle a de quoi provoquer une tristesse. Être miséricordieux, c’est aussi désirer profondément que l’autre soit tiré de son mal. Pareil désir, s’il est vécu intensément, appelle une force de caractère qui peut très bien se traduire en diverses attitudes, telle la sévérité. Notre-­Dame du Cap nous fait donc voir chez Marie non seulement une femme humble, douce et intérieure, mais aussi une femme forte qui se tient debout pour donner la vie et la nourrir, et ce, avec beaucoup d’ardeur.

Vraiment, les paroles du Père Frédéric ont beaucoup de sens. Elles nous ouvrent à la riche personnalité de Marie. Elles nous font réaliser que toute une gamme de sentiments ont leur place dans nos dévotions. Puisse ce mois de mai nous faire apprécier en Notre­-Dame du Cap une compagne de choix pour rencontrer le Dieu de Jésus.