Voici, un article de la chronique « REGARD BIBLIQUES » de la Revue Notre-Dame-du-Cap publié dans le numéro mars 2023 écrit par Sébastien Doane, professeur d’études bibliques Université Laval.

Miracles!?

L’irruption du surnaturel cadre difficilement avec la conception moderne du monde. Comment comprendre les miracles des évangiles ?

La fête de saint Joseph (19 mars) me rappelle les témoignages de guérisons que j’ai entendus lorsque je chantais avec les Petits Chanteurs du Mont­Royal. Le frère Berthiaume nous avait raconté comment il avait été guéri par le frère André lorsqu’il était enfant. Il nous montrait son énorme soulier gauche et disait que sa béquille était parmi celles qui sont exposées à l’Oratoire.

Comment comprenez­-vous les miracles et guérisons attribués à Jésus ? Optez-­vous pour une lecture littérale qui prend ces récits comme la description d’événements historiques ? Ou cherchez­-vous plutôt un sens spirituel aux scènes miraculeuses de la Bible? Voici quelques éléments pour mieux comprendre les miracles de Jésus.

LA MÉDECINE DANS LE MONDE DE LA BIBLE

Chaque culture a un rapport différent à la santé et aux maladies. Plusieurs textes bibliques indiquent que la maladie était vue comme une punition divine. Par exemple, le livre du Lévitique 26,14­16 indique: «Si vous ne m’écoutez pas et ne mettez pas tous ces commandements en pratique… Je mobiliserai contre vous, pour vous épouvanter, la consomption et la fièvre, qui épuisent les regards et grignotent la vie. » Si Dieu peut provoquer la maladie, il peut aussi guérir, comme on le voit dans les récits d’Élie et d’Élisée (1 Rois 17,17­ 24; 2 Rois 4,19­37). Nous sommes dans une conception théomédicale où les maladies sont reliées aux péchés et où la guérison demande une démarche de réconciliation avec Dieu et la communauté. Ainsi, prêtres, guérisseurs charismatiques et exorcistes jouaient un rôle prépondérant dans les pratiques de guérison.

MIRACLES ET GUÉRISONS ATTRIBUÉS À JÉSUS

Plusieurs miracles sont attribués à Jésus par les évangiles. Ils sont habituellement regroupés en trois catégories : les guérisons, les exorcismes et les miracles de la nature. Les récits de guérison sont les plus nombreux, les évangiles en rapportent 17.

Souvent en lien avec les guérisons, les évangiles racontent six récits d’exorcismes. Jésus libère ceux qui sont possédés par les esprits mauvais. Lorsque ces esprits s’adressent à Jésus, ils montrent souvent une connaissance profonde de l’identité de Jésus.

On retrouve huit récits de miracles de la nature. Ils sont reliés au boire et au manger ou à l’eau, le lieu symbolique du mal.

Lorsqu’on compare les évangiles, Marc est celui qui présente le plus de récits miraculeux : 209 versets sur 666 traitent de miracles, soit 30% de l’évangile. Les miracles se trouvent surtout dans sa première partie, qui culmine avec l’affirmation de Pierre que Jésus est le Christ. À l’inverse, l’Évangile de Jean transmet seulement sept miracles, qui sont appelés des « signes », et aucun exorcisme. Pour cet évangile, la foi n’est pas une condition pour qu’il y ait un miracle, mais plutôt une conséquence puisque ces signes conduisent les personnes à croire en Jésus.

LES MIRACLES DE JÉSUS SONT‐ILS VRAIMENT ARRIVÉS ?

Pour un théologien comme Rudolf Bultmann, les miracles sont des récits légendaires qui servaient à illustrer les paroles de Jésus. Ces histoires auraient été produites par la communauté chrétienne après sa mort/résurrection. Celles-­ci auraient anticipé la compréhension postpascale du Christ dans des récits à propos du Jésus terrestre. Dans cette théorie, les miracles portent une vérité théologique au sujet du Christ, même s’ils ne sont pas historiques.

D’autres théologiens comme Gerd Theissen voient un noyau historique dans les miracles de Jésus. Pour eux, les guérisons et les exorcismes peuvent être reliés à son activité historique. Sans être des rapports fidèles d’événements, ces récits gardent des liens avec des éléments de la vie de Jésus puisqu’il aurait partagé du pain avec les exclus, prié et guéri des malades.

QUE POUVONS‐NOUS EN CONCLURE ?

Jésus a été perçu comme un « faiseur de miracles », c’est d’ailleurs comme cela que Flavius Josèphe le présente. Tout comme d’autres personnes de son époque, il était reconnu en tant que guérisseur et exorciste.

Les premiers chrétiens ont transmis plusieurs récits de miracles, non pas pour manifester le côté spectaculaire de Jésus, mais pour témoigner de la puissance de Dieu à l’œuvre dans sa vie. Ces récits montrent de la compassion pour ceux et celles qui souffrent, qui sont malades, qui ont faim, qui sont exclus ou en situation de détresse. L’attitude de Jésus envers ces personnes est parfaitement cohérente avec ses paroles au sujet du Royaume de Dieu:

Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres (Matthieu 11,5).

Les récits de miracles sont, pour les croyants, des signes de la venue du Royaume. Les miracles renvoient à autre chose qu’à eux-mêmes. Qu’est-­ce que ces textes peuvent nous apprendre au sujet de Jésus Christ ou de la foi chrétienne? D’un point de vue croyant, la portée théologique de ces récits semble beaucoup plus importante que la question de leur historicité. Et vous, qu’en pensez-­vous ?

D’AUTRES GUÉRISSEURS À L’ÉPOQUE DE JÉSUS

Jésus n’était pas le seul à opérer miracles et guérisons au 1er siècle en Palestine.

Éléazar Exorciste qui place une racine dans les narines en évoquant Salomon pour sortir les démons par le nez.
Hanina ben Dosa Rabbin reconnu pour sa prière d’intercession pouvant apporter la guérison, même à distance.
Apollonios de Tyane On lui attribue guérisons, exorcismes, divinations, bilocation et même une résurrection. Il menait une vie d’ascèse. Végétarien, nu‐pieds, célibataire, il vivait d’aumônes.
Honi le traceur de cercles Il fait venir la pluie en priant et en traçant des cercles
Les disciples de Jésus Paul, Pierre et les premiers chrétiens continuent la pratique miraculeuse de Jésus (Marc 6,13; 16,20; Actes 3,1‐16; 5,12‐16; 6,5‐8)