Voici, la chronique du 10 au 16 février 2023 du feuillet de La vie au Sanctuaire.

Une mal-aimée

L’évangile du jour nous parle de la morale. Elle avait réponse à tout. Elle en imposait par ses connaissances. Elle avait solution à tous les cas de conscience. Avec les années, elle s’était fait un visage plutôt sévère, rigide. Une mal-aimée… Elle ne manquait pas une occasion de faire la leçon et beaucoup ne détestaient pas se faire « sermonner ».

Elle n’aimait pas les passe-droits; aussi, sous sa gouverne, à peu près tout le monde marchait au même pas et dans la même direction comme dans l’armée! En cas de litige, elle savait trancher entre le permis et le défendu. En période de Carême, elle savait se faire précise: quoi manger et combien d’onces… Elle savait manier avec habileté l’arme du péché mortel, n’était-ce que pour faire peur aux plus récalcitrants.

La morale ne prisait pas le changement et l’évolution. Encore moins les modes. Aussi transmettait-elle invariablement les mêmes lois, les mêmes permissions, les mêmes interdictions. Et cela, d’une génération à l’autre.

Mais un bon jour, la morale devait réfléchir et peut-être même se convertir car le monde et les temps changent. Et l’Église, porteuse d’un long héritage, se devait de repenser la morale. Parler de morale fait froncer bien des sourcils et rire les sceptiques. De nos jours, le mot «morale» est devenu tellement mal-aimé que l’on parle de la même réalité mais avec une autre appellation: l’éthique. Pour plusieurs, la morale évoque les obligations contraignantes, les prescriptions imposées par l’autorité, elle fait obstacle à l’épanouissement, nuit à l’affranchissement des interdits, tarit la soif de liberté.

Quand la norme disparaît, écrit Jean-Claude Guillebaud, la « règle » prend la place. Quand la morale est rejetée, le code retrouve son empire. Quand le prêtre et le moraliste s’effacent, le juge s’avance jusque dans les réduits de l’intimité.

La morale chrétienne est en train de retrouver peu à peu sa beauté première. De perdre sa prétentieuse autorité. De redevenir elle-même, humble et servante. D’emprunter le chemin de la vie nouvelle : «  Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ».

Paul Arsenault, o.m.i.