Le Parcours Les Découvertes, en partenariat avec Culture 3R et la Ville de Trois-Rivières dans le cadre de la Convention de développement culturel, est un parcours de cinq circuits pour aller à la découverte et mieux connaître le Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap de par son histoire et son patrimoine, ses verrière et ses vitraux, son art et culture, ses principaux personnages, ses miracles et son sens de la collectivité.


René Beaudoin, historien bien connu de la Mauricie, s’est documenté et il nous présente tous les faits de la grande histoire du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.


CIRCUIT 1 : HISTOIRE ET PATRIMOINE

Depuis les autochtones qui fréquentaient les lieux avant le 18e siècle, jusqu’au lieu national de pèlerinage qu’on connaît aujourd’hui, l’histoire du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap est jalonnée d’épisodes d’une histoire passionnante.

On pourrait diviser l’histoire du site en trois grandes périodes : celle des autochtones avant 1649, celle du noyau paroissial de 1649 à 1953, et celle du centre national de pèlerinage depuis 1880.

On connaît peu comment les autochtones occupaient l’embouchure de la rivière Faverel depuis des millénaires mais c’est là qu’au milieu du 17e siècle, les Jésuites ont voulu développer une mission religieuse (un poste missionnaire) qui aurait permis les échanges culturels si cette mission avait réussi. En 1660, un bourg palissadé est aménagé, l’église paroissiale y est érigée en 1661, un cimetière y est ouvert et au moins 18 familles s’y installent. En 1720, une nouvelle église est ouverte. C’est le petit Sanctuaire actuel. Dédiée à Sainte-Marie-Madeleine de 1720 à 1880, elle sera réservée au culte du Saint-Rosaire à compter de 1880 après qu’une troisième église soit venue la remplacer. En plus d’être le cœur de l’activité paroissiale jusqu’en 1952, le site deviendra petit à petit dès 1881 le lieu de pèlerinage qu’on connaît aujourd’hui.

  1. Rivière Faverel

La rivière Faverel est un petit cours d’eau qui parcoure le site du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap et qui se jette dans le fleuve Saint-Laurent. C’est là qu’en 1651, les Jésuites établirent une habitation dans laquelle ils ont une chapelle. On ignore l’origine du nom Faverel. Certains ont prétendu que la rivière avait ainsi été nommée par Jean Poisson en mémoire de sa belle-mère. Il s’agit d’une erreur puisque sa belle-mère était une Fauvel et non une Faverel. Le nom de la rivière Faverel était déjà connu en 1646. Jusqu’au lac Sainte-Marie, la rivière a été canalisée sur la majeure partie de son parcours.

  1. Territoire Nitaskinan

Avant l’arrivée des premiers Emitcikociwicak (les «Blancs» dans la langue des Nehirowisiwok), diverses nations autochtones fréquentaient les environs de la rivière Faverel, dont les Anishinabeg (Algonquins), les Nehirowisiwok (Atikamekw), les Waban-Aki (Abénaquis) et les Wendats (Hurons). Aujourd’hui, les Nehirowisiw revendiquent toute la région trifluvienne comme étant une composante de leur territoire ancestral qu’ils nomment « Nitaskinan » (lorsqu’ils s’adressent aux non-Nehirowisiwokok) et « Kitaskino » (lorsqu’ils se parlent entre eux), ce qui signifie « Notre terre » dans la langue des Nehirowisiwokok, et qui englobe pratiquement toute la Mauricie et déborde sur les régions limitrophes. Cette revendication est acceptée par plusieurs autres nations autochtones. Le territoire trifluvien est aussi revendiqué par les Wendats ainsi que par les Mohawks.

Le mot Nehirowisiwok désignent les individus de la nation nehirowisiw que les Anishinabeg et autres désignaient sous le mot Atikamekw. Nehirowisiw est l’ethnonyme qu’ils ont officialisé en 2006. Ils parlent le Nehiromowin, langue commune de la famille linguistique algonquienne. Pour les Nehirowisiwok, la rivière Saint-Maurice porte le nom de Tapiskwan.

  1. Seigneuries

Deux ans après la fondation de Trois-Rivières, la seigneurie de La Madeleine est concédée à l’est de la rivière Saint-Maurice le 15 janvier 1636 par la Compagnie de la Nouvelle-France à Jacques de la Ferté, abbé de Sainte-Marie-Madeleine de Châteaudun en France, lui-même l’un des associés de la compagnie. Elle mesurait dix lieues (50 km) en largeur, sur le bord du grand fleuve Saint-Laurent, sur vingt lieues (100 km) en profondeur dans les terres.

Morcelant sa seigneurie de La Madeleine, l’abbé de la Ferté concéda six fiefs et seigneuries dont la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine, concédée aux Jésuites le 20 mars 1651 et dont ils prendront possession officiellement le 22 mai 1652 par une cérémonies d’usage : le Père Ménart rompit des branches d’arbres, arracha de l’herbe, jeta une pierre et fit autre acte de possession. Elle mesure deux lieux (10 km) de largeur sur vingt lieux (100 km) en profondeur. Les Jésuites occupaient déjà la seigneurie. En 1646, le Cap des Trois-Rivières, qui devint Cap-de-la-Madeleine, était réservé aux autochtones. En 1649, les Jésuites concédèrent déjà quatorze concessions de deux arpents chacune de front sur le fleuve Saint-Laurent.

  1. Fort Saint-François

En 1660, ou peut-être avant, les Jésuites faisaient s’élever une palissade autour du bourg qui s’était formé autour de la rivière Faverel. Le fort Saint-François, désigné aussi «village de la rivière Faverel», englobait la première église du Cap érigée tout près de l’actuel sanctuaire, et regroupait au moins une quinzaine de maisons. Le fort ne subsista que quelques années, mais le « bourg du Cap-de-la-Madeleine » continua à exister comme agglomération et centre administratif du Cap. Il était aussi appelé village de la Croix et village du Milieu.

Il y avait trois forts ou redoutes au Cap : le fort du moulin était situé à proximité de l’actuelle rue Jean-Noël-Trudel, le fort Saint-François et le fort du village Sainte-Marie aussi appelé le Village de Monsieur Boucher, situé près de l’actuel cimetière Sainte-Marie-Madeleine. C’est dans le fort Sainte-Marie que Pierre Boucher avait fait construire une chapelle en 1659, une chapelle qu’il vendit à la Fabrique paroissiale et qui fut déménagée dans le fort Saint-François en 1661.

  1. Création de la paroisse

Durant presque 300 ans, de 1661 à 1952, le site de l’actuel Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap a été le noyau de la paroisse Sainte-Marie-Madeleine du Cap-de-la-Madeleine. C’est ici, à l’intérieur du fort Saint-François, que fut construite en 1661 la première église paroissiale et que fut ouvert le premier cimetière. Cette église en bois mesurait 30 pieds de long par 16 pieds de largeur. Elle a été construite à partir des matériaux de la chapelle que Pierre Boucher avait fait ériger en 1659 sur son fief situé un kilomètre plus à l’est. La chapelle de Pierre Boucher mesurait 20 pieds de long par 20 pieds de largeur. Elle fut défaite, avec ses planchers, portes, fenêtres, couverture, autel, balustrade, marche-pied d’autel et autres accommodements, comme le dit le contrat de vente, pour être transportée ici. Cette église était située en face du petit sanctuaire. À proximité se trouvait le cimetière de 1660 qui subsista jusqu’en 1880. Les registres paroissiaux sont ouverts vers 1660. Dans cette première église, Mgr de Laval vint confirmer les enfants en 1664 et en 1666. Sa cloche de 1713 a ensuite été installée dans le clocher du petit sanctuaire où elle a servi jusqu’en 1907, remplacée par la cloche actuelle.

Malgré que l’organisation paroissiale soit déjà en place avant 1661, ce n’est qu’en 1678 que la paroisse sera érigée canoniquement. Elle est l’une des huit plus anciennes paroisses de la Nouvelle-France. Elle est desservie par les Jésuites jusqu’en 1680 puis par les Récollets puis par Paul Vachon, prêtre séculier, à partir de 1685. Il deviendra résident en 1694. C’est cette année-là que fut fondée la Confrérie du Rosaire.

  1. Sanctuaire

Le 22 juillet 1720, fête de sainte Marie-Madeleine, était ouverte au culte la nouvelle église paroissiale, la deuxième du Cap. Construite en pierre, elle remplaçait celle qui avait été construite en bois en 1661. Le 13 mai 1714, l’évêque Mgr de Saint-Vallier avait émis le souhait que les paroissiens se mettent à la tâche pour construire une église en pierre. Depuis 1699, l’évêque souhaitait que toutes les paroisses soient dotées d’une église en pierre plutôt qu’une église en bois. Au Cap, la nouvelle église était deux fois plus grande que celle de 1661. La population ne comptait que 16 familles. Pour financer la nouvelle construction, il fallait l’aide financière de l’extérieur de la paroisse. Le gouverneur de Trois-Rivières y contribua pour 300 livres, de même que l’évêque lui-même et d’autres donateurs des régions de Trois-Rivières et de Montréal. L’évêque tenta d’enjoindre les habitants de Bécancour d’y contribuer aussi, mais ils s’y opposèrent.

La nouvelle église a été commencée en 1717, inaugurée en 1720 et complétée vers 1723. Elle était sous le patronage de sainte Marie-Madeleine. Elle comporte une chapelle dédiée à Notre-Dame-du-Rosaire dès sa construction. Pendant presque deux siècles, l’intérieur était peu décoré. Il prendra son allure actuelle après les travaux de restauration de 1903-1904 et de 1926-1927.

Le 26 septembre 1880, les paroissiens firent leurs adieux à cette église paroissiale puisque la semaine suivante était inaugurée une nouvelle église construite en 1879-1880. Aussitôt, les marguilliers adoptèrent la résolution de conserver la vieille église de 1720 pour en faire une chapelle entièrement dédiée à Notre-Dame-du-Rosaire. C’est le « petit Sanctuaire » actuel. S’ouvrira alors le lieu de pèlerinage qu’on connaît aujourd’hui et qui perdure depuis plus d’un siècle et demi. Le plus illustre des pèlerins est le Pape Jean-Paul II venu prier dans le petit sanctuaire le 10 septembre 1984.

Les pèlerins se faisant de plus en plus nombreux, une première annexe fut construite en 1891, élargie de 16 pieds en 1893 et allongée de 24 pieds en 1897. Elle fut remplacée en 1902-1904 par une nouvelle annexe aux allures d’une grande église, couronnée d’un dôme servant de piédestal à une statue de Notre-Dame-de-Lourdes. Elle pouvait accueillir un millier de pèlerins. Elle était l’œuvre de l’architecte Georges-Émile Tanguay, et construite par l’entrepreneur Georges Morissette. Elle fut décorée par le peintre Hubert Mottet en 1904 puis par le peintre Louis-Eustache Monty en 1929, et ouverte à l’année à partir de 1948. En 1972, son état nécessita son remplacement par une nouvelle annexe. L’annexe de 1904 fut démolie et remplacée en 1973 par l’annexe actuelle construite à partir de pierres transportées en 1879 sur le pont de glace que les paroissiens nommèrent le « pont des chapelets ».

  1. Troisième église

Sur les terrains du Sanctuaire est exposée une cloche qui était autrefois dans le clocher de l’église de 1880.

Cette cloche a été fondue en 1882 à Lyon par l’entreprise d’Oronce Reynaud (1817-1888), fondeur qui, comme d’autres fondeurs, a été honoré du titre de fondeur pontifical par le Pape Pie XI. Comme c’était la coutume, la cloche fut bénite par l’évêque de Trois-Rivières en présence de l’abbé Luc Désilets, curé de la paroisse, et son vicaire l’abbé Eugène Duguay. La cérémonie eut lieu le 25 juin 1882. À cause du symbolisme des cloches d’église, on parle plutôt d’un baptême. On donne alors un nom à chaque cloche ainsi que des parrain et marraine choisis parmi des notables, des bienfaiteurs ou des bons paroissiens. Du carillon de quatre cloches en 1882, il ne reste que cette cloche. Elle est la plus grosse, fait la fonction de bourdon, pèse environ 2300 livres et donnait la note mi bémol. Elle se nomme Marie Madeleine François Léon. Son premier parrain est le député fédéral Hyppolyte Montplaisir et sa marraine est Marie Almésime Panneton, épouse de J. B. Normand. Le juge Jean-Baptiste Bourgeois et son épouse Marie-Françoise Gilson sont les seconds parrain et marraine. Elle porte une inscription latine tirée de l’écriture sainte : « Benedicam Dominum in  omni tempore ; Semper laus ejus in ore meo », signifiant Je bénirai le Seigneur en tout temps ; ses louanges seront toujours dans ma bouche. Elle porte quatre médaillons : le Sacré-Cœur, l’Immaculée Conception, la patronne sainte Marie Madeleine et sainte Anne. L’emblème des quatre évangélistes se trouve aussi sur la cloche aux quatre points cardinaux.

À cette bénédiction coïncidait la visite à Trois-Rivières du marquis Athanase de Charette de La Contrie (1832-1911), officier général de France qui s’était distingué dans la défense du Saint-Siège, et de son épouse. Il accepta de présider à la cérémonie en étant représenté par son sergent-majot, qui était le frère du curé Désilets. Le marquis donna une ancienne médaille d’or des vieux rois pour être incrustée dans la cloche Marie Madeleine François Léon.

L’église de 1880 a été construite avec les pierres transportées en 1879 sur le pont de glace formé sur le fleuve Saint-Laurent à la suite d’intenses prières des paroissiens. Cet hiver-là, la température n’a pas permis la formation d’un pont de glace à la hauteur du Cap-de-la-Madeleine. Le curé Désilets incita ses paroissiens à réciter le chapelet, même si la période était plutôt tardive à la formation d’un pont de glace. Un embâcle se forma le soir du 14 mars 1879. Les paroissiens se mirent à la tâche pour consolider le pont de glace et le baliser. Le 18 mars commencèrent les traversées de charges de pierre qui se firent jusqu’au 26 mars. On compta jusqu’à 175 voitures. La pierre était rendue, il ne restait qu’à construire le nouveau temple. Spontanément, les paroissiens nommèrent ce pont le « pont des chapelets ». Cet événement est aujourd’hui considéré comme l’un des deux événements fondateurs du Sanctuaire.

  1. Les Oblats de Marie Immaculée

Lorsque l’ancienne église paroissiale de 1720 fut consacrée à Notre-Dame-du-Rosaire en 1880, le curé Désilets, le vicaire Duguay et les marguilliers se doutaient-ils que les lieux deviendraient le centre national de pèlerinage que l’on connaît aujourd’hui, qui verra venir les centaines de milliers de pèlerins qui l’ont fréquenté ? La nouvelle du prodige du pont des chapelets s’était répandu dans la région. On commenca alors à fréquenter les lieux. Les journaux rapportent un premier pèlerinage organisé le 8 septembre 1882. Suivront de plus en plus de pèlerinages. Le Père Frédéric en est nommé responsable. Il prête main forte au curé Désilets et à son vicaire Duguay. Après le décès du curé puis le départ du Père Frédéric, l’abbé Duguay trouve la charge bien lourde. Elle est double : continuer sa charge de curé de paroisse et assumer la charge du lieu de pèlerinage qui se développe. À plusieurs reprises, il demande de l’aide à l’évêque et répète qu’une telle œuvre doit être confiée à une congrégation religieuse. Le Père Frédéric dit à l’évêque : « Prenez les Oblats de Marie Immaculée. » C’est ainsi que le 4 mai 1902, arrivent au Cap-de-la-Madeleine cette congrégation au double titre de curé et gardiens du Sanctuaire. Dès leur arrivée, ils achètent des terrains, restaurent le petit sanctuaire, construisent une nouvelle annexe, aménagent les terrains. Le lieu de pèlerinage connaîtra alors un essor tel, qu’il faudra sans tarder séparer l’œuvre de la cure et celle des pèlerinages dès 1925 puis au tout début des années 1950.

Une nouvelle église paroissiale, la quatrième, sera autorisée en 1951 et ouverte au culte à la messe de minuit du 25 décembre 1952. Bénite en 1953, elle était située à 0,5 km plus loin. La vieille église de 1880, ainsi libérée, pouvait devenir l’Oratoire Sainte-Madeleine et servir exclusivement à l’œuvre des pèlerinages. Tout était alors en place en vue de la construction de la basilique à laquelle on rêvait depuis de nombreuses années.

  1. Chemin de croix

Le chemin de croix actuel provient de la Tour des martyrs de Saint-Célestin et a été offert en 1974 au Sanctuaire. La Tour des martyrs était un lieu de pèlerinage situé sur la rive sud du fleuve. Il s’agissait d’un sanctuaire dédié au culte des reliques. Il contenait plus de 6000 reliques.  Ouvert en 1896 et confié aux Sœurs Grises, il ferma en 1973. Le chemin de croix sortait des ateliers de l’Union artistique de Vaucouleurs, en France. Il avait été érigé en 1933 à Saint-Célestin avant d’être transporté au Cap-de-la-Madeleine en 1974.

C’est le troisième chemin de croix sur le site du Sanctuaire. Le premier est celui conçu par le Père Frédéric, auquel il donna le nom de « Voie douloureuse ». Il le disait construit sur le modèle de celui de Jérusalem, aux deux tiers de celui parcouru par Jésus. Il a été réalisé entre 1896 et 1900. Il comprenait les 14 stations ainsi que la Porte Judiciaire, l’Arc de l’Ecce Homo et la Tour Antonia (construite en 1900 et démolie en 1938). Les 14 stations, en bois, ont été remplacés en 1913-1916 par des monuments de pierre. En 1900 fut construit le premier Tombeau ou Sépulcre, en bois, remplacé par le Tombeau actuel en 1937, en pierre provenant des carrières de Deschambault.

Un ponceau de bois avait été construit en 1896 pour traverser la rivière Faverel et se rendre à la Voie douloureuse. Ce ponceau a été remplacé en 1907, puis par l’imposant monument commémoratif du pont des chapelets que l’on connaît depuis 1924.

Le chemin de croix du Père Frédéric et le ponceau de bois avaient été construit par Pierre Beaumier (1839-1924) que les Oblats qualifiait de « menuisier de la Reine du Rosaire ».

  1. Chemin du Rosaire

Un premier groupe du Rosaire a été installée devant le petit sanctuaire en septembre 1905 (déplacé dans les années 1960). Il inaugurait l’installation d’un chemin du Rosaire qui se poursuivra de 1906 à 1910. Les quinze groupes de bronze ont été coulés en France et érigés sur des socles de pierre. Ils illustrent les mystères joyeux, les mystères douloureux et les mystères glorieux.

En 2004 furent ajoutés cinq stations représentant les mystères lumineux proposés par le pape Jean-Paul II pour l’année du Rosaire (2002-2003). Ces cinq fresques de céramique sont l’œuvre de l’artiste Charles Sucsan, de Longueuil.

  1. Basilique

C’est dans les années 1940 que s’active le projet de construire une basilique au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Dès 1944, l’architecte Adrien Dufresne (1905-1983) était sur place. Les plans ont été approuvés en 1951. La première pelletée de terre eut lieu le 5 août 1955 par Mgr Georges-Léon Pelletier, évêque de Trois-Rivières. En mars 1957, le Père P.-H. Barabé, o.m.i., est à Rome pour faire bénir la première pierre de la basilique par le pape Pie XII. Les travaux dureront neuf ans. Le 19 mai 1963 eut lieu la première messe dans la basilique et le 14 août 1964, l’évêque trifluvien procéda à la consécration de la basilique et de l’autel principal.

La basilique est décorée des vitraux du Père Jan Tillemans, o.m.i. L’orgue a été inauguré le 4 juillet 1965.Le chœur est orné depuis 1981 d’une croix suspendue devant une tenture rouge.

C’est dans la basilique que Mgr Pierre-Olivier Tremblay, o.m.i., fut ordonné évêque le 22 juillet 2018 par Mgr Luc Bouchard, évêque de Trois-Rivières, en présence du Nonce apostolique au Canada.

À leur arrivée au sanctuaire en 1902, les Oblats firent construire leur monastère, ouvert en 1904. En 1949, pour faire place à la future basilique, ils firent déplacer le monastère sur son site actuel.

CIRCUIT 2 : LES VERRIÈRES ET LES VITRAUX DE LA BASILIQUE

Construite de 1955 à 1964, la basilique Notre-Dame-du-Cap est un édifice de forme octogonale dont le dôme est de forme pyramidale surmonté d’un lanterneau et d’une croix. Elle compte six transepts latéraux.

Sur six de ses huit faces, elle présente une verrière composée d’une rosace de 7,9 m (26 pieds) de diamètre et de cinq lancettes, dont trois mesurent 28 pieds et deux mesurent 19 pieds. Chaque panneau mesure 5 pieds par 2,5 pieds, il y en a 26 par transept, plus les onze médaillons de la rosace. D’autres vitraux sont placés dans le chœur et tout autour de la basilique. Ce sont des mosaïques riches en couleur, qu’on a qualifiées de courtepointes lumineuses. Pour les amateurs de statistiques, cela représente entre 150 000 et 200 000 fragments de verre, tous coupés à la main, ajustés et soudés ensemble.

Ces six verrières et autres vitraux sont une véritable histoire du Seigneur (sa vie publique et ses gestes et paraboles de miséricorde) et de Marie, sa mère (les mystères du rosaire), de personnages de l’Ancien et du Nouveau testament et de la vie de l’Église, de l’histoire du Canada et celle du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Ils sont, comme dans les cathédrales du Moyen-Âge, les chapitres d’un catéchisme en images, comme le dira José Caden, rédacteur du journal L’Écho du St-Maurice. Ils « emplissent l’intérieur de la basilique de Notre-Dame-du-Cap d’une atmosphère mariale et en font pour l’âme un lieu qui l’embaume », écrivait en 1966 le Père P.-H. Barabé, provincial des Oblats. Caden ajoute que c’est « une de ces mystiques conversations de Dieu avec l’âme par la magie du verre diapré qui vibre ineffablement sous les pulsations de la lumière. »

Les verrières ont été réalisées de 1957 à 1965 à Maastricht, dans les Pays-Bas, par le Père Jan Tillemans (1915-1980), oblat de Marie Immaculée, maître verrier né aux Pays-Bas, qualifié de « poète du vitrail ». Le verre provient d’Allemagne ou de Tchécoslovaquie, du verre soufflé à la bouche en grosse bulle aplatie. La signature du Père Tillemans est discrète : elle est représentée dans l’escalier sud qui monte au jubé par le tableau de Notre-Dame de Weert, son lieu de naissance.

NOTE : Les lancettes se lisent du bas en haut, de gauche à droite. Les médaillons extérieurs des rosaces se lisent dans le sens des aiguilles d’une montre en commençant par le bas.

  1. Les saints patrons

En entrant dans la basilique, du côté gauche (nord), la première verrière (à partir du chœur) est celle représentant les saints patrons dans l’Église catholique québécoise. De gauche à droite : saint Patrick, sainte Anne, saint Joseph, saint Jean-Baptiste et saint Laurent. Chaque lancette se lit de bas en haut.

La rosace : le médaillon central, Notre-Dame du Canada, dans un cercle d’étoile. Les médaillons extérieurs présentent les armoiries des dix provinces canadiennes, soit le territoire visé par le Sanctuaire national de Notre-Dame-du-Cap.

  1. La vie publique du Seigneur

La deuxième verrière du côté gauche (nord) représente des épisodes de la vie publique de Jésus.

La rosace : le médaillon central représente le Christ triomphant sur la croix. Les médaillons extérieurs sont des évocations de l’Ancien Testament comme miroir symbolique du Nouveau : le sacrifice d’Abraham, la couronne de gloire portée par un ange, Moïse, Ézéchiel, le monogramme du Christ, Abel, la croix comme emblème du salut, Moïse, une préfiguration de l’eucharistie, le calice du salut.

Les lancettes présentent les grands moments de la vie de Jésus, les guérisons, les symboles de la dernière Cène.

  1. Les mystères du rosaire

La troisième verrière du côté gauche (nord) représente les mystères du rosaire, tel qu’on les connaissait au moment de la construction de la basilique. Ce sont les mystères joyeux, douloureux et glorieux. Il manque les mystères lumineux qui ne seront proposés par le pape Jean-Paul II qu’en 2002.

La rosace : le médaillon central présente la Vierge-Reine glorifiée au ciel, avec les trois personnes de la Trinité. Les médaillons extérieurs présentent six personnages de l’Ancien Testament : le roi Salomon, un ange thuriféraire, le grand-prêtre Aaron, Esther, un ange acolyte, le roi David, un autre ange thuriféraire, Judith, Moïse et un autre ange acolyte. Pour le Père Tillemans, chacun de ces personnages évoque un aspect de la personnalité de Marie : sage, porteuse de Jésus, médiatrice, miséricordieuse, protectrice et immaculée.

Les trois lancettes du centre présentent les thèmes des quinze dizaines du rosaire : les mystères joyeux, douloureux et glorieux. De chaque côté, les lancettes présentent quelques instruments de la Passion.

  1. L’histoire de Notre-Dame-du-Cap

En entrant dans la basilique, du côté droit (sud), la première verrière est celle représentant l’histoire du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

La rosace porte sur l’apocalypse. Le mot signifie Révélation. Elle présente certes les quatre cavaliers annonciateurs de fléaux, mais surtout la Toute-Puissante Madone évoquée par l’auteur de ce difficile Livre de la Révélation de Jésus-Christ. Dans le Nouveau Testament, le livre de l’apocalypse, rédigé vers la fin du premier siècle, comporte un langage symbolique et prophétique qui veut montrer comment le peuple de Dieu sera bientôt délivré. Le médaillon central représente la Femme de l’apocalypse, la Vierge Marie. Les médaillons extérieurs présentent les quatre cavaliers ainsi que la séductrice, satan, l’archange saint Michel et l’ange de la colère divine, ainsi que deux théophanies.

Les lancettes présentent Mgr Georges-Léon Pelletier, évêque de Trois-Rivières, priant devant Notre-Dame du Cap, le chapelet en famille, le prodige des yeux de 1888, le couronnement de la statue en 1904, des pèlerins portant la basilique sur leurs épaules, l’écusson de la Reine du Très Saint Rosaire, la statue de Notre-Dame du Cap, le petit Sanctuaire, le concile plénier de 1909, le pont des chapelets de 1879, le second couronnement en 1954, et la bénédiction de la pierre angulaire en 1957. S’ajoutent aussi des symboles liés au culte marial : le buisson ardent, le monogramme marial, deux anges porte-flambeau, la tige de Jessé, un ange portant un soleil, la porte du ciel, l’ange Gabriel, la rose mystique, l’étoile du matin, la fontaine scellée, le miroir de justice, la cité de Dieu.

  1. Les pionniers du Canada

La deuxième verrière du côté droit (sud) représente les fondateurs du Canada.

La rosace : Le médaillon central montre le Christ avec saint Pierre et saint Paul. Les médaillons extérieurs présentent des saintes et saints populaires au Québec et originaires de France, valorisée comme la mère-patrie du Canada : saint Vincent de Paul, sainte Bernadette, le saint Curé d’Ars, saint Jean Eudes, sainte Jeanne d’Arc, saint Rémi, saint Louis, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, saint François de Sales et sainte Catherine Labouré.

Les lancettes sont dédiées à la famille canadienne (Louis Hébert et saint Isidore, la mère de famille, la bénédiction paternelle, la Vierge et l’Enfant), aux fondateurs de Ville-Marie (Jean-Jacques Olier et Jérôme de la Dauversière, la première messe devant Jeanne Mance et Paul de Chomedy de Maisonneuve, sainte Marguerite Bourgeois, Jeanne Mance, sainte Marguerite d’Youville, la Vierge et l’Enfant), à l’Église canadienne (Jacques Cartier et un autochtone, cinq tableaux sur Mgr de Laval), à la capitale de Québec (Samuel de Champlain, Marie de l’Incarnation, Catherine de St-Augustin, deux récollets et des autochtones, trois martyrs canadiens et cinq autres martyrs canadiens), aux découvreurs (Louis Jolliet, Pierre Gaultier de Lavérendrye, Dollard des Ormeaux, Jeanne LeBer).

  1. Les scènes évangéliques

La troisième verrière du côté droit (sud) représente les gestes et les paraboles de miséricorde du Seigneur.

La rosace : Le médaillon central montre un Christ en juge miséricordieux avec Marie et saint Jean. Les médaillons extérieurs présentent l’Église triomphante, le lion de l’évangéliste Marc, deux médaillons de prophète, l’homme ailé de l’évangéliste Matthieu, la Synagogue remplacée par l’Église, l’aigle de l’évangéliste Jean, deux autres médaillons de prophète, le bœuf de l’évangéliste Luc.

Les lancettes présentent les trois vertus théologales (plus «Une des Cinq», imaginée par le Père Tillemans, représentant la parabole des cinq Vierges sages et des cinq Vierges folles), la parabole du Bon Samaritain, Marie-Madeleine (les six tableaux de la lancette du centre), la parabole de l’Enfant Prodigue, les quatre vertus cardinales.

  1. Au-dessus des portes

De chaque côté de la nef, derrière les piliers, huit prophètes de l’Ancien Testament : Ézéchiel, Daniel, Isaïe et Jérémie, Michée, Nahum, Zacharie et Jonas

  1. Dans le chœur

Dans le haut du chœur, le vitrail du centre évoque le « Prodige des yeux » de 1888. Il présente Notre-Dame-du-Cap levant les yeux et regardant ses pèlerins. Elle est entourée de huit anges musiciens dans les médaillons de chaque côté.

Au fond du chœur, à gauche, dans l’absidiole nord, cinq vitraux sont consacrés à l’eucharistie : le prophète Élie recevant le pain des anges, le Christ aux disciples d’Emmaus, le Christ en croix, Jean-Baptiste le Précurseur, Le souhait des disciples d’Emmaus («Reste avec nous, Seigneur»).

Au fond du chœur, à droite, dans l’absidiole sud, cinq vitraux sont consacrés aux Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, desservants de ce Sanctuaire : une image de l’Immaculée aux douze étoiles, le fondateur Eugène de Mazenod avec, au bas, le portrait de son 7e successeur, le Père Léo Deschâtelets, qui présida à la construction de la basilique, le blason de la congrégation, un ange à la trompette et un ange à la croix, tous deux symbolisant les joies de l’annonce de l’Évangile et ses difficultés.

  1. Au jubé et dans les escaliers :

Les douze apôtres : Barthélemy, Simon, Jude, Philippe, Jacques le mineur, André, Thomas, Pierre, Jean, Paul Matthieu, Jacques le majeur. Dans l’escalier nord, un triolet du Rosaire (saint Dominique, Notre-Dame du Rosaire et sainte Catherine de Sienne) et un triolet de la Jérusalem céleste entre deux anges. Dans l’escalier sud, un triolet des fondateurs d’Ordres religieux (la Pieta entre saint Bernard et saint François d’Assise) et un triolet des Pères de l’Église (saint Irénée et saint Augustin) avec un tableau représentant Notre-Dame de Weert, ville natale du Père Tillemans. Ce dernier tableau représente la signature discrète de l’auteur des verrières.

  1. Jan Tillemans

Les vitraux de Notre-Dame-du-Cap ont demandé à l’artiste huit ans de travail. En 1957-58, il a passé une année entière au Cap pour préparer un plan général des verrières avec dessins et croquis. Puis il est retourné à Maastricht, chef-lieu de la province de Limbourg, l’une des douze provinces des Pays-Bas. C’est là qu’il réalisa tous les vitraux pour la basilique, à raison d’une verrière par année. Son atelier appartenait au peintre et sculpteur hollandais Charles Eyck (1897-1983), lui-même maître verrier. Il reviendra chaque année pour veiller à l’installation de chaque verrière.

Tellemans est un prêtre, Il écrit : « Quand je commence, le matin, à Maestricht, je fais un grand signe de croix et je dis : Notre-Dame du Cap, aidez-moi, s.v.p., et je sens que la bonne Vierge du Cap m’aide. »

Ailleurs, il écrit encore : « Je crois profondément au rôle instructif du vitrail; je voudrais faire de ces verrières du Cap une tapisserie abstraite de personnages symboliques, suggérant une foule de données doctrinales. »

Il dira aussi : « On regarde une verrière, on ne l’explique pas… Chacun la contemple selon sa sensibilité. »

CIRCUIT 3 ART ET CULTURE

Avec son histoire qui s’étend sur quatre siècles, le site du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap est un véritable livre d’histoire de l’architecture et de l’art au Québec. Ses quatre principaux bâtiments présentent des typologies architecturales distinctes qui témoignent de l’évolution de l’architecture. Et ses œuvres d’art présentent un ensemble représentatif des procédés et techniques utilisés par des artistes d’ici et d’ailleurs, et qui remontent aussi loin qu’au 17e siècle. C’est sur le site que se trouvent la plus ancienne église au Québec et l’une des plus anciennes œuvres sculptées. C’est aussi sur le site que se trouvent l’une des églises à l’architecture la plus audacieuse et des céramiques qui offrent un regard contemporain sur un sujet plus que millénaire.

  1. Le petit Sanctuaire

L’expression « petit Sanctuaire » est déjà bien connue dans la population au 19e siècle pour désigner un petit lieu de prières. Comme pour compenser ses dimensions réduites, des commentateurs aimaient, par un jeu de style combinant les mots contrastés « grand » et « petit », à dire que grande est la foi de ceux qui fréquentent ces petits sanctuaires, ou grande est la vénération de ces petits sanctuaires. Au Cap-de-la-Madeleine, l’expression « petit Sanctuaire » est utilisée au moins depuis 1891 pour désigner l’ancienne église paroissiale de 1720 devenue chapelle du Rosaire en 1880.

Le petit Sanctuaire a été construit de 1717 à 1720, à la suite d’un souhait exprimé par l’évêque en 1714. Il remplace une première église construite en 1661. Avant de devenir le lieu de pèlerinage qu’on connaît aujourd’hui, le lieu était le noyau de la paroisse Sainte-Marie-Madeleine. Le petit Sanctuaire était l’église paroissiale qui sera remplacée en 1880 par une nouvelle église quatre fois plus grande. La dernière messe paroissiale y eut lieu le 26 septembre 1880, avant de déménager, la semaine suivante, dans l’église neuve.

Son architecture est d’inspiration classique française, mais il s’agit bien d’une architecture paroissiale propre au Québec, adaptée au climat et aux conditions locales de disponibilité de la main-d’œuvre et des ressources financières. Modeste, elle est représentative des églises rurales anciennes du Québec. Alors que l’église de 1661 est sans doute du type proposé par Mgr de Laval, évêque de la Nouvelle-France, consistant en un plan en croix latine avec chapelles latérales et clocher à la croisée (on n’est pas certain que ces chapelles latérales aient été complétées au Cap), celle de 1720 présente un plan allongé avec clocher en façade. C’est une correction apportée après 1700 au plan-type de Mgr de Laval, une correction que diffusera plus simplement l’entrepreneur-architecte Jean-Baptiste Mailloux dans son plan de nef terminé par un chœur en demi-cercle. Et cette époque est marquée par une volonté de concevoir les églises plus simplement, en s’appuyant sur les compétences de leurs artisans. C’est sans doute ce qui explique pourquoi on ne retrouve pas dans les archives de plan en 1714-1720 pour la construction de l’actuel petit Sanctuaire.

Le petit Sanctuaire comporte une chapelle dédiée à Notre-Dame-du-Rosaire jusqu’en 1888 puis dédiée à saint Joseph. À l’origine, le chœur était divisé en deux parties : le maître-autel était adossé à une cloison derrière laquelle se trouvait la sacristie. Il faudra attendre en 1762 avant d’avoir une sacristie annexée à l’église (agrandie en 1817 et remplacée en 1845 par la sacristie actuelle) et de pouvoir utiliser la totalité de l’espace pour le chœur. Dans le clocher de l’église, il y avait une cloche coulée en 1713 et prénommée Marie-Madeleine. Cette cloche a été remplacée en 1907 par la cloche actuelle.

Pendant presque deux siècles, l’intérieur était peu décoré. En 1720, l’artiste Jean Jacquiés dit Leblond, 33 ans, livra à la fabrique paroissiale un tableau de grande dimension représentant sainte Marie Madeleine repentante. Ce tableau avait été placé au-dessus du maître-autel. Il a été déplacé en 1880 pour laisser la place à un tableau du Rosaire puis à la statue de Notre-Dame-du-Cap en 1888. Le tabernacle aurait, dit-on, été rapporté de France vers 1700 par les Jésuites.

L’annexe date de 1973. Il a été construit avec des pierres de la troisième église, des pierres qui ont été transportées sur le pont des chapelets de 1879. Les bancs de l’annexe sont ceux de cette troisième église.

  1. Marie-Madeleine repentante

Le tableau de Marie Madeleine repentante est une peinture à l’huile sur toile, attribuée au sculpteur Jan Jacques/Jacquiés Bloem (1687-1723, prononcez Jacquiesse ou Jacquieze) appelé Jean Jacques/Jacquiés dit Leblond après son émigration au Québec vers 1712 à l’âge de 25 ans. Originaire de Bruxelles en Belgique où il est né le 12 juillet 1687, il s’établit à Montréal où il épousa Catherine-Chrétienne Guillemot dite Lalande (1695-1734) le 24 novembre 1715. Le couple s’installe à Trois-Rivières et donnera naissance à trois enfants. Il était sculpteur, on lui connaît quelques œuvres sculptées pour des églises. Et on lui attribue deux ou trois peintures, mais peut-être a-t-il été plutôt importateur de ces tableaux, les archives n’en disent rien. Il est décédé le ou juste avant le 26 décembre 1723, il a été inhumé dans le cimetière de la paroisse de l’Île Dupas (à peu près à mi-chemin entre Trois-Rivières et Montréal).

Trois peintures lui sont attribuées : la Marie Madeleine repentante, une Madone et son enfant ainsi qu’un Saint Antoine de Padoue. Les deux premières étaient dans l’église du Cap-de-la-Madeleine (le petit Sanctuaire actuel) dès 1720. La troisième était pour l’église de Chambly. Le tableau de la Madone et son enfant, photographié vers 1948-1950, est disparu.

Marie de Magdala (Marie Madeleine) est une disciple de Jésus de Nazareth. Elle le suit jusqu’à ses derniers jours. Elle est mentionnée dans les Évangiles plus souvent que la plupart des apôtres. Elle assiste à la crucifixion de Jésus et à sa mise au tombeau, et elle est la première à témoigner du tombeau vide et de la Résurrection de Jésus. Plusieurs Pères de l’Église la désignent comme l’« apôtre des apôtres ». C’est ainsi que le pape François a demandé de l’appeler en 2016.

Dès le 6e siècle, elle était présentée comme le symbole de la pénitence en étant associée à la pécheresse anonyme des Évangiles. C’est le thème retenu par ce tableau de Leblond qui la présente avec des larmes sur les joues. En 1965, après le concile de Vatican II, cette position a été abandonnée par l’Église catholique, qui ne faisait pas l’unanimité dans les Églises chrétiennes. Si Leblond avait à refaire ce tableau aujourd’hui, il représenterait sans doute la Magdaléenne d’une manière bien différente.

Le tableau porte une signature sur le bord gauche : « Le blond / 1720 fl ». Ce tableau aurait été placé au-dessus du maître-autel durant plus d’un siècle et demi, puis de celui de l’église neuve en 1880. À partir de 1884, ce tableau ne servait plus, remplacé par un tableau du peintre romain Petriglioa. Le 20 juin 1807, l’évêque Mgr Plessis avait ordonné « que le tableau de Ste-Madeleine soit rendu plus conforme aux règles de la modestie, aussitôt que l’on pourra trouver un peintre qui couvre l’épaule droite de la Sainte en en ajoutant des cheveux. » Le tableau a été restauré par l’Atelier Ville-Marie inc. de Montréal en 2002. Une partie des repeints sur les visages des anges ont été laissés parce qu’il ne semblait pas y avoir suffisamment de peinture originale en dessous. Les restaurateurs pensent que le tableau pourrait provenir de la France. De son côté, l’historien Maurice Carrier écrit : « L’ascendance flamande de l’artiste est plus évidente en ses peintures, qui conservent encore une certaine rigidité de composition qu’atténuent agréablement les drapés compliqués et les tons bien distribués. »

  1. Notre-Dame-du-Rosaire

Le tableau de Notre-Dame-du-Rosaire est une peinture à l’huile sur toile qui orne la chapelle dans le petit Sanctuaire. Il représente la Vierge et l’Enfant Jésus avec deux personnages agenouillés : saint Dominique à gauche, à qui Marie remet le rosaire, et sainte Catherine-de-Sienne à droite. L’artiste demeure inconnu : la restauration de l’œuvre a permis de trouver des initiales sur le coin gauche du bas du tableau, probablement celles de l’artiste. La première lettre semble être une combinaison d’un P et d’un L. La deuxième lettre est un B. S’agit-il de l’œuvre d’un artiste aux initiales LPB ou PLB ou d’une œuvre à quatre mains réalisée par deux artistes associés aux initiales LB et PB ? Les archives n’en disent rien. Le tableau a été restauré ou retouché en 1888 par Éléonore Boisvert (1832-1903), seconde épouse du peintre et sculpteur Adolphe Rho (1865-1905). C’est peut-être à cette occasion que la robe rose de Marie a été retouchée par des repeints de couleur orange. Le tableau est à nouveau restauré en 2002 à l’Atelier Ville-Marie inc. à Montréal. Les restaurateurs pensent que les deux tableaux (Marie-Madeleine et Rosaire) proviendraient de la France par deux auteurs différents. Ils sont d’avis que probablement l’Enfant Jésus est d’un élève tandis que sainte Catherine serait la meilleure partie du tableau.

Jusqu’en 1880, le tableau était placé à la chapelle de la confrérie, située au transept du petit Sanctuaire actuel. Puis après la construction de la troisième église, ce tableau a été placé au-dessus du maître-autel à la place du tableau de Marie-Madeleine au moment où la vieille église au complet est devenue la chapelle du Saint-Rosaire. Il y est resté jusqu’au 22 juin 1888 alors que la statue de Notre-Dame-du-Cap a été placée au-dessus du maître-autel.

  1. Maître-autel du Sanctuaire

Le maître-autel du petit Sanctuaire est une pièce de mobilier liturgique réalisée au 17e siècle pour une partie et au 20e siècle pour l’autre. Il est en bois sculpté peint en blanc et doré.

Un maître-autel est formé de deux parties : la partie inférieure est désigné par le mot «  tombeau » tandis que la partie au-dessus est désignée par le mot « tabernacle », composé d’une réserve eucharistique et de gradins. L’arrière de l’autel est désigné par le mot « retable ».

Le tabernacle du Sanctuaire est remarquable. Son décor est en lui-même un retable miniature destiné à mettre en valeur la réserve eucharistique. Le tabernacle est la partie la plus ancienne du maître-autel du Sanctuaire du Cap. La tradition rapporte depuis plus d’un siècle qu’il aurait été sculpté en France et rapporté ici par les Jésuites vers 1700 qui l’auraient donné à la Fabrique paroissiale. Si c’est le cas, il se trouvait dans l’église de 1661 avant d’être transféré dans l’église de 1720 devenu le petit Sanctuaire actuel. Et peut-être est-il plus ancien et installé déjà dans la chapelle de Pierre Boucher de 1659-1661. Des travaux de restauration permettraient d’en apprendre davantage. Il est possible qu’il soit l’un des plus anciens tabernacles au Québec. Il est fait surtout en bois de chêne. En 1946, le registre inférieur du tabernacle a été modifié pour recevoir un boîtier métallique servant de nouvelle réserve eucharistique, dans un souci de mise à l’épreuve du feu.

Cet ensemble constitue un véritable traité d’histoire religieuse. Les deux bas-reliefs portent sur l’Annonciation à Marie : celui de gauche montre Marie agenouillée à son prie-dieu tandis que celui de droite montre l’ange Gabriel surmonté d’une colombe. Les quatre statuettes ont été rajoutées vers 1925-1927. Les deux statuettes du centre sont Le Bon Pasteur (Jésus à l’agneau) et en-dessous la Vierge à l’Enfant, deux œuvres anciennes et probablement de mains différentes. De chaque côté, se trouvent les statuettes de Saint Pie V, à gauche, et de Saint Dominique, à droite. Saint Dominique (1170-1221) que l’on reconnaît par son lys et ses livres, est le fondateur des Dominicains. En 1208, la Vierge Marie lui serait apparue sous le vocable de Notre-Dame-du-Rosaire. Quant au pape Pie V, que l’on reconnaît par son bonnet et son chapelet, il est à l’origine de la fête de Notre-Dame du Rosaire célébrée le 7 octobre.

Au sujet du tombeau d’origine, les archives sont muettes. En 1893, « ce n’était qu’une espèce de boîte » qui fut remplacée par un autel en chêne sculpté et doré incluant une châsse-reliquaire. En 1922, ce tombeau est remplacé par un tombeau construit par le frère St-Onge. En 1927, le tombeau est à nouveau remplacé, selon un plan de l’architecte Gascon qui « prétendait que ça fera un contraste. » Celui de 1922 est donné à l’église Saint-Lazare. En 1946, le tombeau est à nouveau remplacé, cette fois-ci par le tombeau galbé actuel construit par le sculpteur Georges Trudelle (1877-1950) de Saint-Romuald, à partir d’un plan confectionné par l’architecte Deshaies. Celui de 1927 a été placé au kiosque (l’actuel Pavillon des lampions).

  1. Statue de Notre-Dame-du-Cap

Selon le curé Duguay, la statue de Notre-Dame-du-Cap a été donné à la paroisse en 1854 par un paroissien, Zéphirin Dorval (1824-1875). Dorval avait alors 30 ans. Il semble qu’il ait donné la statue de Marie « en ex-voto de reconnaissance […] à son retour d’un long voyage en Californie », rapporte le journal en 1924. En 1949, un ancien se souvenait que c’était soit avant ou après son voyage en Californie à la recherche de l’or. Comme les archives sont muettes sur le donateur autour de 1854, il est difficile de conclure sur ses intentions. La statue a été placée à l’autel du rosaire, dans l’église paroissiale devenue le petit Sanctuaire. Elle remplaçait une statue d’argent, ancienne, qui est aujourd’hui disparue.

Cette donation est faite à l’occasion de la promulgation, le 8 décembre, du dogme de l’Immaculée Conception. Il est possible que les statuaires aient produit des statues de l’Immaculée Conception en prévision de cette promulgation..

Les archives ne disent pas d’où provient cette statue de Notre-Dame-du-Cap. Elle a vraisemblablement été sculptée sur le modèle de l’Immaculée de la médaille miraculeuse (1832) et moulée à l’atelier des statuaires Catelli & Co, fondé à Montréal en 1850 par Carlo Catelli (1817-1906). En 1872, Catelli et Thomas Carli fondent l’atelier Catelli & Carli qui deviendra après 1878 l’atelier T. Carli puis en 1923 l’atelier T. Carli-Petrucci (à ne pas confondre avec l’atelier concurrent Petrucci-Carli, situé en face de l’atelier Carli-Petrucci). L’atelier ferma ses portes en 1965, emportant le moule qui avait servi à mouler la statue de Notre-Dame-du-Cap.

La statue n’est pas signée ou sa signature a été camouflée lors d’une restauration. Mais à l’arrière, elle porte une inscription qui rapporte sans doute des moments de sa restauration : « T. Carli / par Olivier Chaput / en 1904 et 18.2.20 et / juillet 1947 pour / T. Carli-Petrucci ». Olivier Chaput (1878-1961) était statuaire. Si on comprend bien l’inscription, c’est lui qui l’aurait restaurée en 1904, probablement en prévision de son couronnement, puis en 1920 et en 1947.

Jusqu’au 22 juin 1888, la statue était placée sur l’autel latéral dit chapelle du Rosaire. Elle fut déplacée ce jour-là au-dessus du maître-autel. C’est cette statue qui, le soir même, bougea les yeux devant trois témoins : le curé Luc Désilets (1831-1888), le Père Frédéric (1838-1916) et un paroissien, Pierre Lacroix (1838-1895). Le prodige des yeux est l’un des deux événements fondateurs de l’actuel lieu de pèlerinage. Dès le premier numéro des Annales en janvier 1892, on la qualifie de « statue miraculeuse ». Le 28 août 1896, un auteur anonyme écrit dans le journal : « Elle n’est pas belle, cette Madone ; elle n’est pas l’expression d’un rêve d’artiste ; […] et pourtant, elle attire, elle fascine. […] on voudrait la regarder toujours ; on reste là, à ses pieds, retenu par un charme mystérieux. […] ici, aux pieds de l’humble Madone, on prie amoureusement ; et tout le temps de sa prière, on sent descendre en soi force et consolation. » Le baldaquin au-dessus de la statue aurait été ajouté en 1903.

La statue sera couronnée à deux reprises, la première en 1904 et la seconde en 1954. Et un cœur en or fut suspendu à son cou à ces deux occasions. La couronne et le cœur de 1954 ont été volés dans la nuit du 14-15 août 1975. C’est alors la couronne et le cœur de 1904 qui furent remis sur la tête de Marie. Elle avait été donnée par les Laïcs franciscains irlandais de Montréal en juin 1898. Elle aussi a été volée dans la nuit du 20-21 juin 1981. Dans les deux cas, les voleurs n’ont pas été retrouvés. La couronne actuelle est l’œuvre de l’orfèvre Gilles Beaugrand (1906-2005) de Montréal en 1981. Elle est en laiton et comporte 40 cabochons, 8 fleurs de lys et le monogramme Maria. C’est la présence d’une couronne et d’un cœur qui sont les attributs permettant d’identifier la statue.

Sur le plan de l’histoire de la sculpture au Québec, cette statue de Notre-Dame-du-Cap témoigne des premières statues de plâtre dans les églises. Leur arrivée au Québec à partir de 1850 annonçait le déclin de la sculpture sur bois parce que celles de plâtre étaient produites en série au tiers du prix. Les historiens de la sculpture ne font que commencer à s’y intéresser, les statues de plâtre étaient considérées par eux comme du second art. Pourtant leur production suppose d’abord un modèle réalisé en glaise puis la confection d’un moule, les retouches du plâtre puis la peinture de la statue.

Le petit Sanctuaire contient d’autres statues. Au transept, il y a une statue de saint Joseph acquise en 1883. Au maître-autel, il y a les statuettes du Bon Pasteur (Jésus à l’agneau) et de la Vierge à l’Enfant ainsi que de saint Dominique et saint Pie V, placées là après 1925. On ignore qui en sont les auteurs. Elles sont un don des écoliers du Cap, à qui on suggérait un cent par élève. Il y a aussi les deux anges thuriféraires installés là dans les années 1970. À l’arrière de l’annexe, il y a la statue du Père Frédéric, sculptée en 1994 par Léo Ayotte pour les Franciscains et donnée par eux au Sanctuaire en 2014.

Soulignons aussi qu’en façade de la troisième église, démolie en 1963, il y avait trois statues en bois couvertes de plomb, exécutées par le sculpteur Louis-Philippe Hébert en 1879 : sainte Marie Madeleine, son frère saint Lazare et sa sœur sainte Marthe. On ignore ce qu’elles sont devenues après la démolition de l’église. Il y avait aussi une statue de l’Immaculée Conception sur le toit de l’annexe de 1904, une autre sculpture de bois recouverte de plomb, qui ne sera pas conservée après la construction de la nouvelle annexe en 1973.

  1. Basilique

Alors que le petit Sanctuaire témoigne de l’architecture religieuse du 18e siècle, la basilique est résolument d’architecture moderne.

Construite de 1955 à 1964, elle est l’œuvre majeure de l’architecte Adrien Dufresne (1904-1983). Elle est représentative de l’influence de Dom Bellot (1876-1944), moine-architecte français qui fit entrer l’architecture religieuse dans le modernisme.

On en rêvait depuis au moins 1911. En octobre 1917, des premiers plans furent présentés par Aristide Beaugrand-Champagne, architecte-paysagiste. Ces plans n’existent plus.

En 1937 commence la campagne de financement pour la nouvelle basilique. En 1943, Dom Claude-Marie Côté, moine architecte de Saint-Benoît-du-Lac, visite les lieux pour discuter des futurs plans. Le 3 février 1944, l’architecte Adrien Dufresne rencontre le supérieur des Oblats. En 1949, le monastère est déplacé pour faire la place à la future basilique. Dufresne présente ses plans en 1950. Un comité de construction de la basilique est formé en 1953. Les premières soumissions pour les fondations sont examinées. Le Père Jean Leduc, o.m.i., est chargé des travaux de la basilique en 1954. Les derniers plans sont approuvés en mars 1955 et le Père Irénée Pigeon, o.m.i., est nommé pour la surveillance du chantier. Le 30 juin, la permission officielle d’ériger une basilique est accordée. La première pelletée de terre a lieu le 5 août 1955 par l’évêque de Trois-Rivières, Mgr Georges-Léon Pelletier. Les travaux s’échelonneront durant huit ans. La première messe a été dite le 19 mai 1963. La basilique et l’autel principal sont consacrés le 14 août 1964, marquant l’ouverture officielle de la basilique. L’orgue est inauguré le 4 juillet 1965. Il compte 75 jeux et ses tuyaux de façade sont positionnés en forme de feuille d’érable, emblème du Canada et rappel que le lieu de pèlerinage est un lieu national selon les évêques. Au chœur, la croix glorieuse est installée le 14 avril 1981. Le Pape Paul VI a donné à la basilique Notre-Dame-du-Cap le titre de basilique mineure. Au Québec, dix églises portent ce titre honorifique. Le titre est donné au Canada depuis 1874 et la basilique du Cap est la sixième au Québec à le recevoir.

La basilique est un édifice de forme octogonale dont le dôme pyramidal est surmonté d’un lanterneau et d’une croix. Elle compte six transepts latéraux dont chacun des murs pignons est percé d’une verrière composée d’une rosace et de cinq lancettes. C’est dans ces ouvertures et les autres fenêtres que le Père Jean Tillemans, o.m.i., a installé de 1957 à 1965 les vitraux qu’il a réalisés dans son atelier de Maastricht aux Pays-Bas. Ces six verrières et autres vitraux sont une véritable histoire du Seigneur (sa vie publique et ses gestes et paraboles de miséricorde) et de Marie, sa mère (les mystères du rosaire), de personnages de l’Ancien et du Nouveau testament et de la vie de l’Église, de l’histoire du Canada et de celle du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Ils sont, comme dans les cathédrales du Moyen-Âge, les chapitres d’un catéchisme en images, comme le dira un journaliste. Ces quelque 150 000 à 200 000 fragments de verre forment des mosaïques riches en couleur, qui ont été qualifiées de courtepointes lumineuses.

Le carillon de la basilique comporte cinq cloches. Les trois premières ont été installée en 1988 et proviennent de l’église en démolition de Saint-Vincent-de-Paul à Québec. Elles datent de 1933. La première se prénomme Jésus, elle sonne le FA et pèse 2150 livres. La deuxième, Marie, sonne le SOL et pèse 1527 livres. La troisième, Joseph, sonne le LA et pèse 1180 livres. Deux autres cloches ont été coulées à la Fonderie Paccard et installées en 1989. Elles pèsent respectivement 3300 livres et 840 livres et ont été baptisées « Notre-Dame-du-Cap » et « Père Frédéric ». Elles sonnent le RÉ et le SI bémol. La cloche Notre-Dame-du-Cap porte l’inscription : « Ses veux resteront toujours ouverts sur ceux qui viendront la prier. » La cloche Père Frédéric porte cette inscription signée par lui : « Je travaille à la gloire de Notre Darne du Très Saint Rosaire. Mon âme exalte le Seigneur. Son Amour s’étend d’âge en âge. »

Lors de la construction de la basilique, et encore en 1988, on rêvait à un carillon de 25 cloches, qu’un carillonneur aurait actionnées à l’aide d’un clavier électronique. Le projet n’a pas été réalisé.

  1. Statues de Notre-Dame à la basilique

Sur la façade de la basilique, la statue monumentale de Notre-Dame, mesurant 24 pieds, a été sculptée en 1961 dans le granit blanc par Paul Gingras, 24 ans, surnommé « artiste de la Vierge », sculpteur pour les Carrières Martineau et Deschambault, de Saint-Marc-des-Carrières. Pour montrer le caractère national du lieu, la couronne de la statue comporte les armoiries des provinces. Quant aux deux statues d’ange, en arrachement des deux côtés de la porte centrale, elles ont été sculptées aussi par Paul Gingras. Elles représentent Gabriel, l’archange qui annonça la naissance de Jésus à Marie, et Raphaël, l’archange de la santé et de la guérison et qui est le patron des voyageurs, des éléments de la mission du Sanctuaire.

À l’intérieur de la basilique, la statue de Notre-Dame-du-Cap est en marbre Bianco Purissima. Bénite le 14 août 1964, elle a été fabriquée en Italie et commandée par Carli-Petrucci, statuaire de Montréal. Elle occupe l’ambon gauche de la basilique depuis août 1976.

  1. Chemin de croix

Le chemin de croix actuel est le troisième à être installé sur le site du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Érigé en 1974, il est un don des paroissiens de Saint-Célestin. Il provient de la Tour des martyrs, à Saint-Célestin, où il avait été érigé en 1933. Les stations sortaient des ateliers de l’Union artistique de Vaucouleurs, en France, représentée à Montréal par Dominique Cogné. Toutes les stations de Saint-Célestin ont été installées au Sanctuaire, à l’exception de la douzième. Sur le calvaire, les sculptures en bosse-ronde de la douzième station sont les œuvres originales de 1916. La Tour des martyrs était un lieu de pèlerinage commencé en 1895 et qui présentait quelque 6 200 reliques de saints. Propriété des Sœurs Grises de Nicolet, le site a fermé ses portes en 1969 et a été cédé à la Fabrique de la paroisse de Saint-Célestin. Le site a été rasé en 1973.

Deux chemins de croix l’ont précédé. Le premier chemin de croix avait été tracé par le Père Frédéric au printemps 1896 sur le modèle de la Voie douloureuse à Jérusalem, au tiers de sa longueur. Pour son emplacement, le curé Duguay avait acquis le terrain de l’autre côté de la rivière Faverel qui le sépare du Sanctuaire. Un pont de bois a été construit en 1896 pour y traverser. C’est le premier pont commémoratif du pont des chapelets. Les aménagements sont complétés la même année. Divers monuments de grande taille y sont construits : le Prétoire de Pilate, l’Arc de l’Ecce Homo, la Tour Antonia (démolie en 1938), la Porte judiciaire, la Maison du mauvais riche. Le tombeau du Seigneur, aussi appelé Saint-Sépulcre ou Saint-Édicule, avec sa Chapelle de l’Ange, fut construit en 1900. C’était la dernière construction, une construction chère au Père Frédéric qui l’avait déjà planifiée en 1897. Ce premier chemin de croix, appelé Voie douloureuse, comme la Via Dolorosa à Jérusalem, a été complété et béni le 6 septembre 1900 et les gros monuments ont tous été restaurés en 1914. Le principal maître d’œuvre de ces constructions est Pierre Beaumier (1839-1924), un employé du Sanctuaire communément appelé « le Père Pierre » et surnommé « le menuisier de la Reine du Rosaire », « le menuisier de Notre-Dame du Cap ».

Dans ce premier chemin de croix, les petites inscriptions ont été remplacées en 1914-1916 par des monuments en ciment avec plaques de marbre granité réalisés par l’architecte-paysagiste Clovis Degrelle à ses ateliers de Montréal. Ces monuments intégraient des bas-reliefs de fonte bronzée pour les onze premières stations, moulés par la fonderie Capitain-Gény et Cie située en Haute-Marne en France, sur les modèles en plâtre réalisés par le statuaire Pierre Rouillard (1853-1919), de l’Atelier Bouriché-Rouillard à Angers, en France. Rouillard s’était inspiré du chemin de croix réalisé par son maître puis associé, le sculpteur Henri Bouriché (1826-1906), pour l’église Saint-Aubin, à Chemellier (France). On ne connaît pas d’autre exemplaire en fonte de ce chemin de croix, dont il existe un exemplaire en plâtre à la chapelle du Grand Séminaire de Montréal. C’est le Père Dominique Prod’homme, o.m.i., du Sanctuaire, qui passa la commande pour ces onze stations. Français d’origine émigré au Québec en 1903 et ancien directeur d’un important lieu de pèlerinage en France, le Père Prod’homme connaissait-il déjà cet atelier de statuaires religieux ou en avait-il été sollicité par Raymond Rouillard qui démarchait pour son frère Pierre à l’étranger, dont le Québec, autour de 1907, ou référé par Clovis Degrelle ? L’histoire ne le dit pas.

Ce deuxième chemin de croix, dans lequel restaient les gros monuments du premier, était original parce qu’il commençait par des bas-reliefs pour les onze premières stations et finissait en ronde-bosse pour les trois dernières. Neuf stations ont été installées en mai 1914. Pour les autres, il fallait attendre le plan du nouveau calvaire. Le plan sera fait à l’été puis soumis pour approbation en janvier 1915. Les travaux commencèrent au printemps 1916, réalisés par Clovis Degrelle. Il est complété à l’été. Il remplace la colline du calvaire qui avait été aménagée là en 1905. Il impressionne tellement les pèlerins qu’il arrive que le chemin de croix soit remplacé par une prière devant le nouveau calvaire. Sur le calvaire, pour la station de la crucifixion, ont été placées les statues de la Vierge Marie, de saint Jean l’évangéliste et de Marie-Madeleine. Elles sont d’origine inconnue mais peut-être aussi du statuaire français Pierre Rouillard. Elles y sont encore aujourd’hui. À l’intérieur du calvaire, une Pietà en ciment provenait de la maison Daprato Statuary Company, de Chicago, qui avait une succursale à Montréal. Elle a été remplacée en 1974. Les gros monuments de bois de 1896-1900 disparaîtront tour à tour et le tombeau de bois sera remplacé en 1937 par le tombeau actuel en béton et en pierre.

À l’intérieur du petit Sanctuaire, il y a aussi un chemin de croix en plâtre. Il date de 1927. Il n’y a pas de chemin de croix dans la basilique. Le chemin de croix, peint lors de la construction, avait été refusé par l’évêque et enlevé. Il n’a pas été remplacé.

  1. Stations du Rosaire

Le chemin du Rosaire est constitué de seize stations composées de sculptures en ronde-bosse sur socle de granit, dites « groupes du Rosaire » ou « mystères du Rosaire ». Le premier groupe est un don des enfants de Marie de St-Sauveur de Québec. Il a été placé sur son piédestal le 26 août 1905 et béni le 10 septembre suivant. C’est Marie qui remet le rosaire à saint Dominique et à sainte Catherine de Sienne. Dressé en face du Sanctuaire, les pèlerins se regroupaient autour pour chanter le Magnificat, du moins dans les premiers temps de son installation. Il a été déplacé à côté du Sanctuaire vers la fin des années 1960.

Puis de 1906 à 1910, quinze autres groupes ont été installés, un groupe pour chacun des mystères du Rosaire, les cinq premiers en décembre 1906, les deux derniers en novembre 1910. Les statues de fonte ont été coulées à la Maison Maurice Denonvilliers dont les bureaux étaient à Paris. Les Denonvilliers étaient connus dans le moulage de pièces religieuses monumentales. Chaque groupe coûtait 750$. Les pierres des piédestaux proviennent de Sainte-Angèle ou d’une carrière de Saint-Marc-des-Carrières. Les noms des donateurs sont gravés sur les piédestaux.

C’est le Père Dominique Prod’homme (1867-1937), o.m.i., qui en fut l’inspirateur. Le Père Prud’homme était l’ancien desservant du Sanctuaire de Pontmain, en France. Exilé au Québec et arrivé au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap en 1903, il fut un animateur actif et apprécié des pèlerinages durant toutes ses années ici. En 1937, il est qualifié d’« ouvrier de la première heure [du Sanctuaire] après les Désilets, les Frédéric, les Duguay ». Dès 1904, il élabora le plan des parterres actuels du Sanctuaire. Outre les groupes du Rosaire, on lui doit le chemin de croix de 1914.

En même temps, des corvées échelonnées sur une dizaine d’années ont permis de niveler le terrain et d’aménager les jardins que l’on connaît aujourd’hui. De 1905 à 1908, des centaines d’arbres ont été plantés. Le Lac Sainte-Marie a été aménagé en 1938. En son centre, sur le socle dit « rocher de la Vierge » se trouve une statue de Notre-Dame-des-Apôtres.

En 2002, à l’occasion de l’année du Rosaire, le pape Jean-Paul II a ajouté au Rosaire les cinq mystères lumineux : le baptême de Jésus, les noces de Cana, la prédication de Jésus, sa transfiguration ainsi que l’institution de l’eucharistie. Au Sanctuaire, au centenaire du couronnement de la statue de Notre-Dame-du-Cap en 2004, cinq nouveaux monuments ont été dévoilés pour représenter ces nouveaux mystères. Ils comportent des œuvres de céramique réalisées par l’artiste Charles Sucsan, de Longueuil, d’origine franco-hongroise.

  1. La source

En 1894, une pompe à eau avait été installée près du Sanctuaire au service des pèlerins. Le curé Duguay écrit : « Sur le terrain de l’église, à environ cent pieds des deux chapelles [le petit Sanctuaire et la troisième église], nous avons installé une pompe sur un tuyau de fer enfoncé dans le sable jusqu’à la couche d’eau. Il y a une source d’eau abondante à cet endroit. Elle n’a jamais manqué. Les pèlerins vont à ce puit avec dévotion et apportent de l’eau chez eux. Ils attribuent des guérisons vraiment miraculeuses aux vertus de cette eau. » L’eau sera détournée en 1914 plus à l’ouest où sera érigée une petite grotte par l’architecte-paysagiste Clovis Degrelle.

En 2014, la grotte a été remplacée par l’aménagement actuel, dorénavant accessible aux personnes en fauteuil roulant. Il porte une inscription rappelant une invitation faite par Marie lors d’une de ses apparitions à Lourdes en 1858.

  1. Cloche de la troisième église

Sur les terrains du Sanctuaire est exposée une cloche qui était autrefois dans le clocher de l’église de 1880.

Cette cloche a été fondue en 1882 à Lyon par l’entreprise d’Oronce Reynaud (1817-1888), fondeur qui, comme d’autres fondeurs, a été honoré du titre de fondeur pontifical par le Pape Pie XI. Comme c’était la coutume, la cloche fut bénite par l’évêque de Trois-Rivières en présence de l’abbé Luc Désilets, curé de la paroisse, et son vicaire l’abbé Eugène Duguay. La cérémonie eut lieu le 25 juin 1882. À cause du symbolisme des cloches d’église, on parle plutôt d’un baptême. On donne alors un nom à chaque cloche ainsi que des parrain et marraine choisis parmi des notables, des bienfaiteurs ou des bons paroissiens. Du carillon de quatre cloches en 1882, il ne reste que cette cloche. Elle est la plus grosse, fait la fonction de bourdon, pèse environ 2300 livres et donnait la note mi bémol. Elle se nomme Marie Madeleine François Léon. Son premier parrain est le député fédéral Hyppolyte Montplaisir et sa marraine est Marie Almésime Panneton, épouse de J. B. Normand. Le juge Jean-Baptiste Bourgeois et son épouse Marie-Françoise Gilson sont les seconds parrain et marraine. Elle porte une inscription latine tirée de l’écriture sainte : « Benedicam Dominum in  omni tempore ; Semper laus ejus in ore meo », signifiant Je bénirai le Seigneur en tout temps ; ses louanges seront toujours dans ma bouche.

Elle est une véritable œuvre d’art. Elle porte quatre médaillons : le Sacré-Cœur, l’Immaculée Conception, la patronne sainte Marie Madeleine et sainte Anne. L’emblème des quatre évangélistes se trouve aussi sur la cloche aux quatre points cardinaux.

À cette bénédiction coïncidait la visite à Trois-Rivières du marquis Athanase de Charette de La Contrie (1832-1911), officier général de France qui s’était distingué dans la défense du Saint-Siège, et de son épouse. Il accepta de présider à la cérémonie en étant représenté par son sergent-major, qui était le frère du curé Desilets. Le marquis donna une ancienne médaille d’or des vieux rois pour être incrustée dans la cloche Marie Madeleine François Léon.

  1. Pont des chapelets

Le pont des Chapelets a 100 ans en 2024. Il commémore le pont de glace formé en mars 1879 sur le fleuve pour permettre d’aller chercher sur la rive sud les pierres nécessaires à la construction de la troisième église. Il a été construit en 1924 par l’entrepreneur Wilbrod Rousseau, du Cap-de-la-Madeleine, selon les plans de l’architecte Aristide Beaugrand-Champagne (1876-1950). Les gros chapelets qui ornent le pont des Chapelets ont été fabriqués par Bernardin DesRoberts (1895-1944), machiniste de Trois-Rivières, spécialisé dans les ouvrages ornementaux en fer. Les premiers pèlerins ont franchi le nouveau pont le 25 mai 1924. Ils étaient 3000 ce jour-là. Il a été béni le 15 août 1924 par Mgr Cloutier, évêque de Trois-Rivières, au cours d’une fête qui a rassemblé 20 000 personnes, parmi lesquelles se trouvaient les anciens qui avaient travaillé au transport de la pierre en 1879, 45 ans auparavant. Quelque 125 prêtres étaient aussi présents, ainsi que le bataillon des Zouaves de Trois-Rivières. Le journaliste écrit que « tout le Cap-de-la-Madeleine était pavoisé. » Ce jour-là aussi, on soulignait le vingtième anniversaire du couronnement de la statue de Notre-Dame-du-Cap.

Ce pont commémoratif de 1924 remplace un premier pont construit en bois en 1896 et un second construit en 1905. À Pointe-du-Lac, il existe une réplique exacte de ce pont commémoratif, en plus petites dimensions.

CIRCUIT 4 ; LES PRINCIPAUX PERSONNAGES 

L’histoire du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap est certes l’histoire de ses bâtiments et de ses jardins, mais elle est aussi, et surtout, l’histoire d’hommes et de femmes, qu’ils.elles soient d’hier ou d’aujourd’hui, d’ici ou d’ailleurs. C’est l’histoire des rêves et aspirations de la population établie au Cap-de-la-Madeleine, au bord du grand fleuve Saint-Laurent, d’origine autochtone et d’origine européenne, ceux de religieux et ceux de milliers de pèlerins venus de partout et qui y affluent depuis 1880.

À travers un mode de vie et une pratique qui ont évolué –se sont transformés– dans le temps, c’est à un voyage dans le changement culturel auquel les visiteurs sont conviés. C’est à une lecture du paysage culturel à laquelle ils sont aussi conviés.

Parmi les personnages qui ont fait l’histoire du Sanctuaire, certains sont plus visibles que d’autres. Ce circuit tentera de souligner comment les uns et les autres se sont épaulés pour construire bientôt 375 ans d’histoire. L’histoire du Sanctuaire se divise en deux grandes périodes : le site fut d’abord le noyau paroissial (1660-1953) auquel s’est ajouté l’œuvre des pèlerinages (depuis 1880).

  1. Marie, mère de Jésus

Commençons par celle qui est la pierre d’assise de tout ce lieu. Marie de Nazareth est la mère de Jésus. Un texte écrit après l’an 150 dit qu’elle était la fille de Joachim et d’Anne. L’appellation Notre-Dame vient du Moyen-Âge et a le même sens que « Notre Reine ». C’est le féminin de « Notre Seigneur » qui désigne son fils Jésus-Christ. Marie deviendra la Reine des cieux, médiatrice entre le ciel et la terre. À cette appellation seront ajoutés des vocables et titres qui sont innombrables. Entre autres, ils sont liés à des épisodes de sa vie, à des phénomènes naturels, à la santé, aux relations humaines, aux lieux de son apparition et, comme c’est le cas au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, aux lieux de certains phénomènes prodigieux.

Dans le cas du Cap, il réfère au culte marial déjà largement pratiqué sur le site à partir des années 1860 et particulièrement à la suite du prodige du pont de glace en 1879 et du prodige des yeux de 1888.

À ses débuts au Cap-de-la-Madeleine, on dira du Sanctuaire consacré à Marie en 1880 qu’il est celui de Notre-Dame-du-Saint-Rosaire. Au même moment, la dévotion à Notre-Dame-de-Lourdes est importante. Dans les années 1860, on parle de Notre-Dame-du-Canada qui a sa chapelle en France. Elle sera associée à la Madone du Cap-de-la-Madeleine à partir de 1904. Dans les années 1880, on parle aussi de Notre-Dame-du-Cap-Trinité, au Saguenay, dite aussi Notre-Dame-du-Saguenay, ainsi que de Notre-Dame du Lac, au Lac des Deux Montagnes, au Lac St-Clair et au Lac Saint-Jean. On le voit, on a donc déjà pris l’habitude de construire le vocable sur un lieu déterminé ou celui d’une statue par le nom du lieu où elle se trouve.

Le vocable Notre-Dame-du-Cap semble apparaître en 1893 pour remplacer graduellement celui de Notre-Dame-du-Saint-Rosaire. Un abonné de Bécancour publie dans les Annales de septembre 1893 son « Amour et gratitude à N. D. du Cap ». En octobre 1893, une abonnée de Louiseville publie son « éternelle reconnaissance à la Vierge du Cap, la Reine du très-saint Rosaire » et un autre de Victoriaville veut « encourager les Pèlerins à se rendre en foule à Notre Dame du Cap ». Mais le vocable semble rester peu fréquent avant l’arrivée des Oblats. De 1892 à 1901, il n’apparaît que six fois dans les Annales. Il commence à apparaître en 1895 dans les journaux. En résumé, il est diffusé à partir de 1893, davantage à partir de 1897. Puis en 1902, après l’arrivée des Oblats, on le retrouve 21 fois dans les Annales du Sanctuaire, pour ne jamais cesser ensuite. À partir de 1904, on dira aussi « Madone du Cap » et « Reine du Cap ».

  1. Autochtones

Avant l’arrivée des premiers Emitcikociwicak (les «Blancs» dans la langue des Nehirowisiwok), diverses nations autochtones fréquentaient les environs de la rivière Faverel, dont les Anishinabeg (Algonquins), les Nehirowisiwok (Atikamekw), les Waban-Aki (Abénaquis) et les Wendats (Hurons). Aujourd’hui, les Nehirowisiw revendiquent toute la région trifluvienne comme étant une composante de leur territoire ancestral qu’ils nomment « Nitaskinan » (lorsqu’ils s’adressent aux non-Nehirowisiwokok) et « Kitaskino » (lorsqu’ils se parlent entre eux), ce qui signifie « Notre terre » dans la langue des Nehirowisiwokok, et qui englobe pratiquement toute la Mauricie et déborde sur les régions limitrophes. Cette revendication est acceptée par plusieurs autres nations autochtones. Le territoire trifluvien est aussi revendiqué par les Wendats ainsi que par les Mohawks.

Le mot Nehirowisiwok désignent les individus de la nation nehirowisiw que les Anishinabeg et autres désignaient sous le mot Atikamekw. Nehirowisiw est l’ethnonyme qu’ils ont officialisé en 2006. Ils parlent le Nehiromowin, langue commune de la famille linguistique algonquienne. Pour les Nehirowisiwok, la rivière Saint-Maurice porte le nom de Tapiskwan.

  1. Jacques de La Ferté

Jacques de La Ferté est celui à qui la Compagnie de la Nouvelle-France, dite Compagnie des Cent-Associés, a concédé le 15 janvier 1636 une vaste seigneurie qui s’étendait à l’est de la rivière Saint-Maurice sur cinquante kilomètres le long du fleuve Saint-Laurent, jusqu’à l’actuelle localité de Grondines-Deschambault, sur une profondeur de 100 km. Elle est la plus vaste seigneurie de toute l’histoire de la Nouvelle-France. La seigneurie des Grondines y sera amputée en 1637 mesurant 5 km par 50 km.

Né vers 1580, La Ferté était depuis 1624 le père abbé de l’abbaye de la Madeleine, à Châteaudun, en France. Il était aussi l’un des associés de la compagnie. Il souhaitait participer au projet d’évangélisation et de sédentarisation des autochtones, et pour cela, il soutenait les Jésuites. Il leur avait concédé la seigneurie de Batiscan en 1639 puis il les autorisa à s’établir au lieu communément appelé le cap des Trois-Rivières et à y concéder des terres dès 1649. Sans doute pour lui rendre hommage, le cap et la seigneurie prirent le nom de Cap-de-la-Madeleine. Le 20 mars 1651, La Ferté leur concéda la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine de dix kilomètres le long du fleuve.

La Ferté décède le 17 septembre 1651. Son testament comporte des dons aux Jésuites de France. Aux Jésuites de la résidence de Québec, il lègue «une des parts à lui appartenant dans la Compagnie de la Nouvelle-France.»

En 1668, constatant que La Ferté n’a pas d’héritiers, le Tribunal supprime la seigneurie de La Madeleine, celle de 1636, ou du moins ce qui en restait, pas plus de la moitié, puisqu’outre l’amputation des Grondines en 1637 (5 x 50 km), La Ferté y avait retranché la seigneurie de Batiscan en 1639 (10 km x 100), le fief de l’Arbre-à-la-Croix ou Hertel (2,5 km x 10) et le fief des Prairies-Marsolet (2,5 km x 10) en 1644, le fief Leneuf (2,5 km x 10) et le fief Petit de Neuville (2,5 km x 10) en 1646 ainsi que la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine en 1651 (10 km x 100). Si ces fiefs avaient eu des liens avec La Ferté, ils furent rompus en 1668 avec la disparition de la seigneurie de La Madeleine.

Son nom et un bas-relief le représentant sont sur le monument des pionniers érigé en 1951 dans le parc du Moulin, situé près d’ici.

* Note : Ne pas confondre la seigneurie de La Madeleine (1636-1668) et la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine (1651-1854).

  1. Jacques Buteux, s.j.

Dans les années 1950, le nom de Jacques Buteux (1599-1652) a été proposé comme le fondateur du Cap-de-la-Madeleine. Originaire d’Abbeville en Picardie, il est un prêtre membre de la Compagnie de Jésus, un jésuite. Dès 1634, il réside à Trois-Rivières. De 1636 à 1642 puis de 1645 à 1651, il est le supérieur de la congrégation des Jésuites à Trois-Rivières. Avec ses confrères jésuites, il travaille activement à un projet d’évangélisation et de sédentarisation des autochtones. En 1649, c’est lui qui préside à la concession des quatorze premières concessions de terre sur le territoire du Cap-de-la=Madeleine appartenant à l’abbé de La Ferté. Il est encore à la tête des Jésuites lorsque ce dernier leur concède la seigneurie de Cap-de-la-Madeleine le 20 mars 1651 et que les jésuites y construisent leur habitation. Il est tué le 10 mai 1652 au cours d’un voyage au nord de la région avec des autochtones. Le projet de sédentarisation des autochtones prit fin dans les années 1660, les autochtones préféraient leur mode de vie à celui proposé par les Européens.

Les origines des Jésuites remontent à 1534. Ils participent à une réforme du catholicisme face à un protestantisme grandissant et à tout un programme d’éducation des paysans français comme des peuples de l’Asie et de la Nouvelle-France. Ils arrivèrent à Québec dès 1611. Les documents anciens désignent les autochtones par le mot «Sauvages», dont la racine latine signifie «de la forêt». Au 17e siècle, les écrits des jésuites en latin aident à en comprendre le sens originel : les jésuites parlent de «peuple de la forêt», «race de la forêt» et «habitants de la forêt». Le mot «Sauvages» était synonyme de «primitifs», «barbares», «non civilisés» au sens d’absence de la civilisation européenne, et non au sens de cruauté comme d’autres le croiront au 19e siècle, par anachronisme. Au 17e siècle, c’est le mot «féroce» qui était utilisé pour désigner la cruauté ou la férocité.

Ainsi, c’est ce que les jésuites croyaient bon de faire à cette époque : implanter la civilisation européenne chez les autochtones, faire procéder à un changement culturel, l’idée étant, comme le croyait le Père Biard, de supprimer l’obscurité de la forêt par «la culture» du sol et de la terre, une métaphore s’appliquant tant au plan matériel qu’au plan de la religion. C’est ce «manque de culture» et cette «ignorance», comme le soulignera à son tour le Père Ragueneau, que signaleront les jésuites qui croyaient à la supériorité de la culture européenne, incluant le catholicisme et le divin, sur la culture des autochtones.

En Mauricie, un sentier pédestre et deux écoles portent le nom du Père Buteux, de même qu’une rue à proximité du Sanctuaire. Aussi, une bière porte son nom : La Buteuse, brassée par la brasserie Le Trou du diable, du nom du lieu où il aurait été jeté à la rivière à son décès.

Un monument se trouve sur le terrain du Sanctuaire.

N.B. En écrivant sur le mot «Sauvage», nous voulons seulement le remettre dans son contexte historique. Nous reconnaissons qu’aujourd’hui, l’usage de ce mot est inapproprié.

  1. Pierre Boucher

Né à Mortagne-au-Perche en France, Pierre Boucher (1622-1717) est un explorateur, un gouverneur et un auteur. Il avait 13 ans lorsqu’il arriva en Nouvelle-France avec son père. Il apprend les langues autochtones et devient un des interprètes des jésuites. En 1641, il s’établit à Beauport puis en 1644, il s’établit à Trois-Rivières où il sera élu capitaine de milice en 1651. Il retourne en France en 1661 où il sera anobli par le roi Louis XIV. Il revient en 1662 et demeurera à Trois-Rivières jusqu’à son départ pour Boucherville en 1667.

Il occupera les fonctions de gouverneur du gouvernement de Trois-Rivières à quatre reprises entre 1652 et 1667.

En 1664, il publie à Paris son Histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du pays de la Nouvelle-France.

Il se marie en 1649 avec Marie-Madeleine Ouébadinoukoué dite Chrétienne (1622-avant 1652), wendate-huronne, ils auront un fils. Puis devenu veuf, il épouse en 1652 Jeanne Crevier (vers 1636-1727), ils auront 15 enfants.

Pierre Boucher habite dans le bourg de Trois-Rivières. Le 1er juin 1649, alors que Boucher a 26 ans, le Père Jacques Buteux lui concède au Cap-de-la-Madeleine une terre de 2 x 20 arpents. Le 9 mars 1656, le Père Jacques de la Place augmente cette superficie jusqu’à 4 x 50 arpents qu’il concède en un arrière-fief nommé Sainte-Marie. Boucher, Jeanne Crevier et leurs trois enfants s’y retirent en 1657. Il était situé à environ un kilomètre de l’actuel Sanctuaire, sur les terres voisines à l’ouest du cimetière Sainte-Madeleine actuel.

Autour de sa maison et de quelques autres bâtiments, Boucher y construit une palissade. C’est le fort Sainte-Marie. Boucher y fait construire une chapelle en 1659 mesurant 20 pieds par 20 (6 x 6 mètres). En 1661, préparant son départ pour la France, il propose à la Fabrique paroissiale de lui vendre sa chapelle et de la faire transporter à l’intérieur du fort Saint-François. Elle y sera reconstruite cette année-là (en face de l’actuel petit Sanctuaire) pour devenir la première église paroissiale du Cap-de-la-Madeleine. C’est cette église de bois qui sera remplacée, en 1720, par l’église de pierre qui deviendra le petit Sanctuaire actuel.

Le 22 mai 1663, le notaire Louis Laurent dresse le procès-verbal du fort Sainte-Marie et y décrit une grande redoute avec planchers et cheminée de brique, cave, comptant trois pièces; une petite cour fermée de pieux; un poulailler; un grand jardin fermé de pieux; une grange de 60 x 20 fermée de pieux; une étable de 20 x 20 fermée de pieux; une petite redoute fermée de pieux et une boulangerie. Tous les bâtiments sont dans une cour « close de pieux de huit pieds de haut, liés avec des liens et cloués avec un clou à chaque pieu, les pieux apointés par haut; plus deux grandes portes cochères de madriers, qui ferment avec des verrous de fer; plus une petite porte », plus une fontaine fermée.

  1. Paul Vachon

L’abbé Paul Vachon (1656-1729) est le curé de la paroisse Sainte-Marie-Madeleine au Cap-de-la-Madeleine de 1682 à 1729. Lorsqu’il vient comme desservant en 1682, il est un jeune prêtre de 26 ans. Il remplace les Jésuites. En même temps que lui, deux Récollets (franciscains) desservent aussi la paroisse, l’un après l’autre de 1682 à 1684. Vachon sera le seul desservant à partir de 1685 puis sera curé résident à partir de 1694. Il desservira aussi Bécancour, de l’autre côté du fleuve, de 1685 à 1716. C’est lui qui obtint de Rome l’érection d’une confrérie du Saint-Rosaire le 11 mai 1694 qu’il établit officiellement le 4 octobre 1697. Dans la vieille église de 1661, il y avait une chapelle consacrée à Marie, consistant en un transept et autel latéral. Il vivait misérablement, la paroisse pouvant difficilement subvenir à ses besoins. En 1701, il reçut une aide financière du Séminaire de Québec, et en 1706, il signait un mémoire collectif des curés de la région en faveur de la dîme. Le 13 mai 1714, il reçut Mgr de Saint-Vallier pour sa visite pastorale. Ce dernier invita les paroissiens à tout faire pour remplacer l’église de 1661, construite en bois, par une église en pierre. Le contrat fut donné en 1717 et l’église inaugurée en 1720. C’est le petit Sanctuaire actuel. Le curé Vachon mourut pauvrement. En 1716, lorsque Mgr de Saint-Vallier détacha Bécancour de la paroisse du Cap, il obtint une compensation financière annuelle. Mais elle était nettement insuffisante puisqu’en 1719, il poursuivit au Tribunal son confrère, le curé de Champlain, qui prétendait aux dîmes des paroissiens du bas de la paroisse. Le Tribunal donna raison à son confrère de Champlain, faisant perdre ainsi les revenus de ces dîmes au curé Vachon.

À son décès survenu le 7 mars 1729, il a été inhumé sous l’église, le petit Sanctuaire actuel.

  1. Zéphirin Dorval

Le 8 décembre 1854, le Pape Pie IX définit le dogme de l’immaculée conception de Marie. Pour souligner l’événement, Zéphirin Dorval donne une statue de Marie pour l’église paroissiale. Dorval a 30 ans, il est navigateur. Sa famille est une vieille famille du Cap. Ses parents s’y sont mariés et tous ses frères et sœurs y sont nés, à l’exception de Zéphirin qui est né à Champlain le 17 août 1824. Zéphirin a été ondoyé à la maison plutôt que d’être baptisé à l’église. On peut supposer qu’une santé fragile de l’enfant naissant l’ait obligé. Zéphirin grandira au Cap. À 15 ans, il est déjà orphelin de père et mère. Il deviendra navigateur. En 1853, il a tenté de vendre sa maison à la commission scolaire qui a accepté mais le surintendant de l’éducation l’a refusée. Il semble qu’il ait donné la statue de Marie « en ex-voto de reconnaissance […] à son retour d’un long voyage en Californie », rapporte le journal en 1924. Plus tard, il deviendra commerçant, toujours au Cap. Il décède à l’âge de 51 ans, après avoir fait la veille son testament par lequel il lègue tous ses biens à son neveu Louis Dorval. Zéphirin Dorval est resté célibataire.

  1. Luc Desilets

Luc Desilets (1831-1888) est le curé de la paroisse du Cap-de-la-Madeleine. De santé fragile, il sera au Cap de 1864 jusqu’à son décès. On le reconnait ferme et rigoriste, voire scrupuleux, mais aussi charitable, très pieux et dévoué. Mais ses interventions politiques sont loin de faire l’unanimité.

Le curé Desilets était animé d’une grande dévotion mariale. Peu après son arrivée au Cap, une invasion de sauterelles s’attaque aux récoltes. Le curé Desilets conjure la catastrophe et obtient de tous la récitation du rosaire. Puis le 30 mai 1867, il est dans l’église et aperçoit un pourceau y entrer et ramasser un chapelet tombé par terre. Il fait alors la promesse de propager la dévotion au rosaire et pour ce faire, il demande, dès le lendemain, l’aide des paroissiens. En peu de temps il réunit 300 nouveaux adhérents à la Confrérie du Rosaire. En novembre 1867, il se consacre solennellement à Notre-Dame. On dira de lui qu’il réussit tous les dimanches « à évoquer les splendeurs de Marie. »

Le curé Desilets était à la tête de la paroisse lorsque survint les deux événements considérés aujourd’hui comme fondateurs du Sanctuaire : le prodige du pont des chapelets en mars 1879, qui permit le transport sur un pont de glace sur le fleuve Saint-Laurent de la pierre nécessaire à la construction de la troisième église, ainsi que le prodige des yeux de la statue de Marie dans le petit Sanctuaire le 22 juin 1888 dont il est l’un des trois témoins.

Cette aventure du pont des chapelets en 1879 suscita bien des curiosités. Quoique les journaux n’en aient pas parlé, elle attira les premiers pèlerins. Le premier pèlerinage connu eut lieu en 1882. La vieille église, dorénavant consacrée au culte marial en 1880, était devenue la chapelle de la Confrérie du Rosaire. La statue de Marie, celle de 1854, jusque-là sur l’autel latéral, fut déplacée ce 22 juin 1888 au-dessus du maître-autel au cours d’une grande journée solennelle qui rassembla des centaines de personnes. C’est le soir, après le souper, que le mouvement des yeux de la statue fut constaté par trois témoins, le curé Desilets, le Père Frédéric ainsi que Pierre Lacroix, un résident du Cap.

Le curé Desilets est décédé le 30 août 1888. Il a été inhumé sous la troisième église. Le 9 octobre 1963, en prévision de la démolition de l’église, ses restes furent transportés au sous-sol du petit Sanctuaire. Il est, avec l’abbé Louis-Eugène Duguay et le Père Frédéric, l’un des trois co-fondateurs de l’œuvre des pèlerinages.

La rue Luc-Desilets à Trois-Rivières, secteur Cap-de-la-Madeleine, porte son nom. Nommée « rue Desilets » en 1938, elle prit le nom de « rue Luc-Desilets » en 2004.

  1. Louis-Eugène Duguay

L’abbé Louis-Eugène Duguay (1852-1930) fut au Cap-de-la-Madeleine le vicaire (1878-1883), desservant (1885-1884), curé (1884-1885), assistant-curé (1885-1888) puis curé encore (1888-1902). C’est lui qui proposa et obtint pour le remplacer l’arrivée en 1902 des Oblats de Marie Immaculée à la tête de la paroisse et des pèlerinages. Sur le Sanctuaire, on lui doit quantité d’archives et de souvenirs consignés dans de gros registres. En janvier 1892, il fonda les Annales du Très-Saint-Rosaire, la revue qui deviendra plus tard Les Annales de Notre-Dame du Cap puis la revue Notre-Dame-du-Cap qui existe toujours après plus de 130 ans de parution, l’un des plus anciens périodiques au Québec. On le disait ami inséparable du Père Frédéric avec qui il développa et anima le lieu de pèlerinage qu’on connaît aujourd’hui. Après son départ du Cap-de-la-Madeleine, il fut curé de Saint-Barnabé durant 25 ans (1904-1930) et desservant de Saint-Thomas-de-Caxton (1904-1910). En 1919, le pape Benoît XV le fit Prélat domestique, qui lui permit de porter le titre de Monseigneur. Il restera toujours attaché au Sanctuaire. En 1928, c’est là qu’il célébrera ses noces d’or sacerdotales. Il est décédé à Saint-Barnabé le 19 avril 1930 à l’âge de 78 ans. Il est inhumé dans ce cimetière. Il est, avec l’abbé Luc Desilets et le Père Frédéric, l’un des trois co-fondateurs de l’œuvre des pèlerinages.

Même s’il était présent au presbytère le soir du 22 juin 1888, l’abbé Duguay n’a pas été témoin du prodige des yeux puisqu’il ne s’est pas joint à l’abbé Desilets et au Père Frédéric pour accompagner Pierre Lacroix à la chapelle de la Confrérie. Mais il en a maintes fois entendu le récit de la bouche même du curé Desilets et du Père Frédéric. Et c’est lui qui, en 1895, assista Pierre Lacroix pour le témoignage qu’il en fit devant notaire peu de temps avant sa mort. Et c’est durant ses quatorze années comme curé que furent construits les premiers aménagements sur les jardins ainsi que la première annexe du petit Sanctuaire en 1891, qui témoigne du succès de l’œuvre des pèlerinages au Cap-de-la-Madeleine.

La rue Duguay à Trois-Rivières, secteur Cap-de-la-Madeleine, porte son nom depuis 1938.

  1. Frédéric Jansoone

Frédéric Jansoone (1838-1916) est originaire du Nord de la France. À l’âge de 25 ans, il entre chez les Franciscains et sera ordonné prêtre en 1870. On le retrouve à Bordeaux de 1871 à 1878 puis en Terre Sainte de 1878 à 1888. Lors d’un séjour au Canada en 1881-1882, il fit sa première visite au Sanctuaire le 20 septembre 1881. À l’invitation du curé Desilets, il s’installe au presbytère du Cap-de-la-Madeleine le 13 juin 1888 en attendant la construction de la maison du Commissariat de Terre Sainte à Trois-Rivières. Il prendra la responsabilité des pèlerinages. À peine arrivé, il se met à la tâche de préparer le grand pèlerinage du 22 juin 1888. Le soir, il est l’un des trois témoins du prodige du mouvement des yeux de la statue de Notre-Dame-du-Cap. On lui doit le premier chemin de croix, qu’on appelait alors « Voie douloureuse ». Il le voulut semblable au vrai chemin de croix en Terre Sainte, la Via Dolorosa de Jérusalem, mais la configuration du site obligeait à le réduire au tiers. C’est sous sa gouverne que fut construit le premier Tombeau du Seigneur, en bois, qui s’inspirait du véritable tombeau en Terre Sainte. Il a été le principal auteur dans les Annales dès sa création en 1892. Il est décédé le 4 août 1916 en odeur de sainteté. Il est, avec l’abbé Luc Desilets et l’abbé Louis-Eugène Duguay, l’un des trois co-fondateurs de l’œuvre des pèlerinages. Il est l’auteur de 32 livres et fut un prédicateur recherché.

En 1988, le « Bon Père Frédéric », comme on l’appelait, a été béatifié par le pape Jean-Paul II après plus de 60 ans d’attente, son procès de béatification ayant commencé en 1927. Tous attendent sa canonisation qui, espère-t-on, ne devrait plus tarder.

Au Sanctuaire, une stèle commémorative a été érigée en 1965 lors du 75e anniversaire de la restauration des Franciscains au Canada. Une statue du Père Frédéric a été placée dans le petit Sanctuaire le 3 août 2014. La statue a été réalisée par le sculpteur Léo Arbour en 1994 et est un cadeau des Franciscains. À Trois-Rivières, un musée porte son nom au sous-sol de la chapelle Saint-Antoine où son corps est déposé. Le Père Frédéric a érigé aussi un chemin de croix à Saint-Élie-de-Caxton et un autre au Sanctuaire de la Réparation à Montréal.

  1. Pierre Lacroix

Pierre Lacroix (1838-1895) est l’un des trois témoins du prodige du mouvement des yeux de la statue de Marie dans le petit Sanctuaire le 22 juin 1888. Il était alors âgé de 49 ans et il est handicapé. Il habitait non loin du Sanctuaire. Marié avec Philomène Dupont, il se déclare ingénieur et journalier. Ils ont eu huit enfants, dont seulement deux survivront, Alberta (Bertha) et Léda. Le 22 juillet 1889, son épouse décède à l’âge de 43 ans, laissant veuf son mari et orphelines ses deux enfants âgées de 7 et 3 ans. Aussitôt, les deux enfants sont admises à l’orphelinat de l’hôpital Saint-Joseph à Trois-Rivières. Bertha y restera cinq ans avant d’être placée dans une famille de Trois-Rivières. Léda y restera durant 15 ans avant d’aller vivre chez sa sœur nouvellement mariée. Et sans doute à cause de son handicap, Pierre Lacroix sera admis à l’hospice de l’hôpital Saint-Joseph le 14 juin 1890 et il y est resté jusqu’à son décès le 30 octobre 1895. Peu de temps avant son décès, le curé Duguay lui avait demandé de signer une déclaration assermentée décrivant ce dont il avait été témoin le 22 juin 1888. Cette déclaration a été signée le 14 janvier 1895 devant le notaire Petrus Desilets à Trois-Rivières.

En 1953, sa fille Bertha, 72 ans, a remis au Sanctuaire les béquilles de son père. Elles sont exposées au musée du Sanctuaire.

  1. Oblats de Marie Immaculée

La congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée fut fondée en 1816 par saint Eugène de Mazenod (1782-1861). Établie au Canada en 1841, elle est habituée des grandes retraites lorsqu’elle accepte de prendre la responsabilité du Sanctuaire du Très-Saint-Rosaire au Cap-de-la-Madeleine en 1902. La liste serait longue s’il fallait énumérer tous les noms des Oblats et toutes les actions qu’ils ont posées au Sanctuaire pour l’accueil et l’accompagnement des pèlerins, et pour le rayonnement du Sanctuaire marial. Dès leur arrivée en 1902, les Oblats procèdent à d’importants travaux de restauration de l’église paroissiale et du petit Sanctuaire, d’aménagements des jardins et d’organisation des pèlerinages dans les pas des trois co-fondateurs, les abbés Desilets et Duguay et le Père Frédéric. Ils feront construire la majestueuse annexe du petit Sanctuaire en 1904, de même que leur grand monastère. Ils feront couronner la statue de Marie en 1904. Ils développeront le culte à Notre-Dame-du-Cap et feront reconnaître le Sanctuaire comme sanctuaire national. Ils promèneront Notre-Dame-du-Cap partout au Canada, d’un océan à l’autre. Ils lanceront l’audacieux projet de construire une basilique. Inaugurée en 1964, cette basilique sera élevée au rang des basiliques mineures par Rome. Aujourd’hui encore, ils relèvent le défi, avec l’aide de divers collaborateurs, de chercher à continuer d’adapter le culte marial et l’œuvre des pèlerinages aux temps actuels alors que la pratique religieuse au Québec est en pleine mutation.

En 1978, ils ont créé la corporation Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, un organisme sans but lucratif qui deviendra propriétaire des lieux à compter de 1980. La corporation La Revue Notre-Dame-du-Cap est créée en 1982, et la Corporation touristique et culturelle des Jardins Notre-Dame est créée en 2004.

La liste des Oblats serait longue, a-t-on dit, mais il convient d’en signaler trois qui, en notre temps, viennent à l’esprit de nombreux pèlerins.

Les Pères André Dumont et Paul Arseneault sont des auteurs, paroliers, musiciens, compositeurs et interprètes. Né en 1939 au Cap-de-la-Madeleine, le Père Dumont était servant de messe au Sanctuaire lorsqu’il était gamin. Au camp d’été des scholastiques des Oblats, il compose son tout premier chant, paroles et musique. C’est le «Gloire à Dieu» qui se chante encore aujourd’hui. Il sera ordonné prêtre en 1966 dans la basilique toute neuve, il y sera le tout premier ordonné. Il œuvre au Sanctuaire de 1967 à 1987. Il est l’auteur du chant-thème « Nous irons dans la joie » du Pavillon chrétien de l’Expo 67 à Montréal. Réalisateur au studio RM (Radio-Marie), la radio du Sanctuaire, il recrute en 1969 le Père Paul Arseneault. Né en 1933 à Bonaventure, le Père Arseneault ne quittera plus jamais le Sanctuaire ensuite. En 1970, le Père Arsenault est aussi réalisateur au Studio RM. Les Pères Dumont et Arseneault seront surnommés les « petits pères à gogo » parce qu’ils révolutionnent le chant religieux. À 30 et 33 ans, ils introduisent les messes rythmées au Sanctuaire, dites « messes fraternelles ». Depuis plus de 50 ans, ils ont composé des centaines de chants qui sont aujourd’hui chantés dans toute la francophonie mondiale.

Notons aussi le Père Pierre-Olivier Tremblay. Né en 1970 en France où ses parents étaient en voyage d’études, il a été recteur du Sanctuaire de 2016 à 2018. Le 22 juillet 2018 à la Basilique Notre-Dame-du-Cap, il est ordonné évêque. Il sera l’auxiliaire de Mgr Luc Bouchard puis administrateur du diocèse de Trois-Rivières durant un an et demi jusqu’à sa nomination comme évêque de Hearst-Moosonee en Ontario le 24 juin 2022.

  1. Pierre Beaumier

Les grands personnages sont ceux qui ont occupé le devant de la scène, ceux sur qui étaient dirigés tous les projecteurs. Mais l’histoire du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap s’est déroulée aussi grâce aux nombreux employés, bénévoles et Oblats qui ont marché avec eux. Dévoués et engagés, ils méritent d’être mis en lumière. La liste serait longue, très longue. Mentionnons-en quelques-uns.

C’est le cas de Pierre Beaumier (1839-1924). Le « Père Pierre », comme on l’appelait communément, était surnommé « le menuisier de la Reine du Rosaire », « le menuisier de Notre-Dame du Cap ». C’est lui qui a construit le premier pont des Chapelets sur la rivière Faverel (1896), les bancs, les confessionnaux, l’ancien tombeau du maître-autel et la balustrade du petit Sanctuaire, le premier chemin de croix, la Tour Antonia, le premier Tombeau, la seconde annexe du petit sanctuaire, l’abri des pèlerins, les trottoirs, tous en bois, et d’innombrables autres travaux du plancher jusqu’au clocher du sanctuaire. Né le 29 juin 1839 au Cap, il était l’époux d’Adéline Boulard. Ils ont eu six enfants. Il était agriculteur puis charpentier-menuisier. Veuf à partir de 1911, il termine ses jours chez son fils Gédéon et sa bru Alice Lapointe. Il décède le 18 décembre 1924 à l’âge de 85 ans. On raconte que « pendant les dernières années de sa vie, il venait chaque jour appuyé sur son bâton de vieillesse, s’agenouiller aux pieds de la Vierge du Cap ». L’histoire n’a pas retenu à quel moment exact il est entré au service du Sanctuaire, mais il y était déjà en 1896 à 57 ans et y travailla durant plus d’une quinzaine d’années.

Parmi les Oblats, mentionnons entre autres le frère François-Xavier St-Onge, o.m.i., qui fut au Cap de 1902 à 1914. Il y était le premier Frère Convers. Il savait tout faire, dit-on : menuiserie, électricité, maçonnerie. En 1906, il construisit le deuxième pont des Chapelets avec le frère Alexandre Cadieux. Mentionnons aussi le frère François-Xavier Pelletier (1877-1956), qui, pendant 44 ans, fut sacristain, jardinier, portier, peintre-décorateur, menuisier, au Sanctuaire dès 1902; le frère Léo Maynard (1897-1976), qui fut longtemps responsable des employés préposés à l’entretien du Sanctuaire et de ses dépendances; le frère Léopold Chicoine (1888-1971), qui a travaillé au Sanctuaire de 1914 à 1918 puis de 1930 à 1970, et bien d’autres.

Parmi les bénévoles et employés, ils sont si nombreux, mais signalons Louis Samson (1925-1993) et Fernande Lacroix (1926-2019) qui ont été reçus oblats honoraires en 1963. Ils ont fait connaissance sur les terrains du Sanctuaire, se sont mariés en 1949 et ont eu cinq enfants. Louis Samson a œuvré au Sanctuaire comme employé de 1953 jusqu’à son décès en 1993, à l’entretien des terrains de 1953 à 1955 avec les frères Maurice Schnupp et Adrien Coulombe puis comme réceptionniste à la résidence des Oblats pendant 35 ans. Fernande et lui furent aussi bénévoles durant 44 ans pour divers services. Louis y a fondé les Ambulanciers de l’Ordre de Malte, qui est la section no 2 de l’Ordre au Canada. L’Ordre de Malte est un ordre religieux laïc chargé d’aider les malades et les pauvres. Au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, l’Ordre offre l’accueil et l’assistance aux pèlerins, ainsi que les soins d’ambulanciers. L’Ordre a regroupé quelques centaines de bénévoles. En décembre 1993, Louis Samson disait : « Je n’ai pas peur de mourir. Si ma vie était à recommencer, je voudrais qu’elle soit exactement comme je l’ai vécue. » En 2017, c’était trois générations de la famille Samson qui était honorée. Le couple Louis-Fernande a inspiré leurs enfants. En 2017, leur fille Claire cumulait 46 ans d’ancienneté au Sanctuaire et son frère Denis 37 ans de service. Avec les petits-enfants et les neveux à l’emploi du Sanctuaire, « c’est une aventure familiale pour nous et on espère que la relève suivra », dira Denis.

Une autre histoire de famille au Sanctuaire est celle de Jules Lafleur (1901-1976). Il a travaillé pour le Sanctuaire pendant des décennies, particulièrement comme jardinier et à l’entretien des terrains. Il habitait la maison voisine du Sanctuaire et était marié à Émélia Bélair (1908-1991). C’est elle qui partait les semences des fleurs dans les serres du Sanctuaire. Toutes les « filles » d’Émélia et Jules travaillaient au Sanctuaire dans leur jeunesse. L’une d’entre elle,  Jeanne a travaillé à l’entretien ménager au monastère pendant plusieurs années, tandis que son époux, Claude Richard (1935-2015), a été sacristain à la basilique de nombreuses années aussi. Leur petite-fille, Linda Sévigny, y est l’actuelle responsable des événements et de l’offre culturelle.

Et parmi ceux du personnel qui sont devenus plus célèbres, notons Marc Langis, le bassiste de Céline Dion pendant 20 ans. Dans les années 1970, avec sa guitare électrique, il était l’une des vedettes des messes à gogo au Sanctuaire.

À tous les bénévoles, employé.es et Oblats, ancien.nes et actuel.les, qu’ils-elles aient été là un an ou quarante ans, merci !

  1. Adrien Dufresne et Jan Tillemans

Construite de 1955 à 1964, la basilique Notre-Dame-du-Cap est l’œuvre de l’architecte Adrien Dufresne (1904-1983). Il a été formé à Québec et en Europe, et a fait un stage en France auprès du moine-architecte Dom Bellot. Le 3 février 1944, il est au Cap pour rencontrer le Père Magnan au sujet de la future basilique. Les travaux débutent le 5 août 1955. De nombreux travailleurs seront impliqués dans la construction jusqu’à son inauguration officielle le 14 août 1964.

Les vitraux de la basilique sont l’œuvre du Père Joannes dit Jan Tillemans (1915-1980), un Oblat de Maastricht en Hollande (Pays-Bas). Il vient au Cap pour la première fois le 17 mai 1957. Il trace les plans des verrières, en détermine les thèmes, puis repart à son atelier de Maastricht pour réaliser la première verrière. Il revient l’année suivante et les ouvriers procèdent à son installation sous sa supervision. Il effectue ainsi plusieurs allers-retours de Maastricht jusqu’au Cap-de-la-Madeleine pour réaliser les vitraux et les faire installer.

  1. Rosaire Ste-Marie

Rosaire Ste-Marie est le nom d’un personnage fictif créé en 1949 dans la revue Notre-Dame-du-Cap pour une chronique adressée aux jeunes. On en connaît peu sur ce personnage mais il permet de souligner comment les Oblats ont cherché à répondre aux besoins de tous les âges des pèlerins, par exemple par une pastorale jeunesse.

Le 10 juillet 1985, le Sanctuaire inaugurait son centre Cap-Jeunesse. Initialement, le nom évoquait trois significations : Cap sur les jeunes, au sens d’un centre dirigé vers ce groupe d’âge, la localisation du centre ou la région ciblée (Cap-de-la-Madeleine) et C.A.P. pour l’acronyme de Centre d’animation pastorale. L’objectif était de créer des occasions de rencontre, d’échanges et de partage. Encore aujourd’hui, par ses multiples activités, Cap-Jeunesse fait la promotion du développement de la personne entière et met en valeur le retentissant « oui » à la vie, prononcé par Marie, mère de Jésus.

  1. Isabelle Naud et Claudette Larochelle

Isabelle Naud (1923-1993) est cette jeune femme invalide de Portneuf qui, le 15 août 1948, fait son pèlerinage annuel au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Depuis sa chute du haut d’un escabeau en 1938, elle est confinée à son fauteuil roulant. Après son pèlerinage, elle s’est remise à marcher et en a attribué sa guérison à Notre-Dame-du-Cap. Elle avait commencé son juvénat chez les Sœurs de la Charité de Saint-Louis, à Pont-Rouge, mais n’a pu poursuivre son rêve de devenir religieuse à cause de ce bête accident. Mais de sa chambre, lorsqu’elle a crié à sa mère « Maman, je marche », toute la famille a cru au miracle, comme le reste de la population locale puis de toute la province, informée par les journaux. L’Église n’a pas reconnu le miracle, à cause de l’absence d’un dossier médical qui reconnaissait l’état de madame Naud avant sa guérison. Mais encore en 2011 et en 2015, des livres paraissaient sur cette prodigieuse histoire.

Le 15 août 1969, Claudette Larochelle, 29 ans, atteinte de dystrophie musculaire, se lève de son fauteuil roulant sur lequel elle était attachée, marche jusqu’à la balustrade et s’agenouille aux pieds de Marie. C’était dans le petit Sanctuaire, une dizaine de minutes avant la messe de 22 h. L’événement est survenu devant une centaine de témoins et a fait la une du journal. Ce fut un événement extraordinaire, inexplicable. D’autant qu’il s’agissait d’une maladie incurable et que la progression de la maladie la condamnait à une mort prochaine. De retour chez elle, à Rouyn, elle est devenue enseignante. Elle est revenue chaque année pendant de nombreuses années pour aider durant la neuvaine en revêtant l’habit de l’Ordre de Malte, chargé d’accueillir et d’accompagner les pèlerins, particulièrement les malades. Il lui est même arrivé de parcourir la distance Ottawa/Cap-de-la-Madeleine à vélo pour venir au Sanctuaire.

Ces deux événements sont prodigieux. L’histoire du Sanctuaire est faite d’histoires certes moins remarquables. Il y a ceux-là, et il y a « ces innombrables guérisons intérieures au fil des ans, seules connues de Dieu, et certes de Notre­Dame du Cap… », disait récemment le Père Paul Arsenault.

  1. Jean-Paul II

Le 10 septembre 1984 arrivait au Sanctuaire le plus illustre des visiteurs : le Pape Jean-Paul II. Durant son voyage au Canada, le pape a voulu s’arrêter au Sanctuaire. Le voyage était préparé de longue date. En 1982, Rome annonçait officiellement que le Pape visiterait le Canada en 1984. Viendrait-il au Cap, comme le demandait l’éditorialiste qui soulignait que le Pape avait l’habitude de visiter les sanctuaires marials importants lors de ses voyages. Le 4 novembre 1983, le Sanctuaire reçoit la confirmation que le Pape visitera le Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap le 10 septembre 1984. À son arrivée, il est allé se recueillir dans le petit Sanctuaire. Puis il s’est rendu sur le podium spécialement construit pour l’occasion pour y dire la messe devant une foule estimée à 90 000 personnes massées sur le terrain du sanctuaire du Cap depuis des heures sous une pluie battante. Après la célébration, le pape s’est avancé au bord du podium et a déclaré : « Je dois vous féliciter (pour) votre résistance! », suscitant un grand éclat de rire. Puis il a ajouté : « Résistance contre la pluie. Alors, pour vous féliciter (de) cette résistance, je dois féliciter cette pluie », qui, symboliquement, était comme la pluie de grâces. Puis sur le bord de la voie ferrée, à son départ, la foule chantait : « Mon cher Jean-Paul, c’est à ton tour, de te laisser parler d’amour ».

Un autre pape a laissé sa marque au Sanctuaire. Le 25 mars 1957, dans la salle du petit trône au Palais du Vatican, le Pape Pie XII a béni un morceau de la pierre transportée en 1879 sur le pont des Chapelets. Apporté à Rome par le Père Paul-Henri Barabé et Jean Normandin, ce morceau a été incrusté dans la pierre angulaire de la nouvelle basilique posée le 15 août 1957. Le pape était entouré de quelque deux cents Canadiens vivant à Rome. À cette occasion, un album en couleurs sur l’œuvre du pèlerinage Notre-Dame du Cap a été remis au pape.

CIRCUIT 5 :  CROIRE ( les miracles et le sens de la collectivité)

L’histoire du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap témoigne de l’évolution de la pratique religieuse au Québec sur quatre siècles. Elle met en évidence les rêves et aspirations de celles et ceux qui l’ont dirigé ou fréquenté. Elle est ponctuée aussi d’événements surprenants ou admirables, qui peuvent étonner au 21e siècle mais qui dit comment se sont construites les quêtes de sens. C’est d’ailleurs la mission actuelle du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap : « [Être] un lieu d’accueil et d’accompagnement des chercheurs de sens et des assoiffés de Dieu. »

La valeur religieuse a été une valeur dominante au Québec jusqu’aux années 1920. Un changement culturel s’intensifie ensuite, non seulement au Québec où il passe par ce temps fort qu’est la Révolution tranquille. L’expérience religieuse s’est transformée, comme ailleurs. Les jalons présentés dans ce circuit sont autant d’occasions de réflexion, de fierté ou de réconciliation, ou simplement de curiosité.

  1. Confrérie du Rosaire

Au Cap-de-la-Madeleine, l’aventure mariale commence le 11 mai 1694 lorsque le curé Paul Vachon (1656-1729) se voit accorder par le Père Antonin Cloche, o.p., supérieur général des Dominicains, la permission d’établir une confrérie du Saint-Rosaire dans sa paroisse. Le 4 octobre 1697, Mgr de Saint-Vallier approuve l’établissement de cette association vouée à inculquer la dévotion à Marie, mère de Jésus. Les hommes et les femmes qui en deviendront membres s’engagent à réciter le rosaire chaque semaine et à assister à un office spécial de la confrérie aux deux mois.

La dévotion à Marie était très active en Nouvelle-France dès ses origines comme le montrent les faits suivants. Les trois paroisses de Québec, Trois-Rivières (1634) et Montréal (1642) étaient dédiées à Marie, comme le seront la moitié des autres paroisses qui seront créées jusqu’en 1685. En 1633, Champlain marquait les trois temps de l’Angélus de coups de canon à défaut d’une cloche. Un tableau du Rosaire ornait l’église de Québec avant 1640. En 1648, une requête est présentée pour l’établissement d’une confrérie du Rosaire à Québec, Trois-Rivières et Montréal. En 1651, les Jésuites signalaient qu’à Trois-Rivières, les habitants ont « un petit oratoire en chaque maison » dédié à Marie et que chaque jour, ils répètent les Litanies de la Sainte Vierge. La première confrérie du Rosaire est établie à Québec en 1656.

Au Cap-de-la-Madeleine, les terres commencent à être concédées à partir de 1649. Une première chapelle est construite en 1659, remplacée en 1661 par une église dédiée à sainte Marie-Madeleine. C’est dans cette église de bois que sera établie la confrérie du Rosaire en 1697. En 1720, les paroissiens entrent dans leur nouvelle église de pierre (le petit Sanctuaire actuel) où l’autel latéral est dédié à Notre-Dame-du-Rosaire avec une petite statue dite statue d’argent. Mais après la mort du curé Vachon en 1729, la paroisse du Cap n’aura plus de curé résident, entraînant la mise en veilleuse de cette confrérie. En 1845, elle sera rétablie par le curé Léandre Tourigny. En 1854, la statue d’argent sera remplacée par la statue actuelle. En 1880, à l’ouverture de la nouvelle église, l’ancienne restera réservée à la confrérie. Au-dessus du maître-autel, le tableau de Sainte Marie Madeleine repentante, patronne de la paroisse, sera remplacé par le tableau du Rosaire. Le 22 juin 1888, la statue sera déplacée au-dessus du maître-autel. Désignée sous le vocable de Notre-Dame-du-Rosaire, la statue portera le vocable de Notre-Dame-du-Cap à partir de 1893.

La Confrérie du Rosaire sera vraisemblablement la seule association pieuse existante au Cap entre 1694 et 1881. Cette année-là (1881), le curé Desilets créait l’Archiconfrérie du cordon, invitant les paroissiens à imiter saint François d’Assise et à porter une corde, symbole de pauvreté. Jusqu’à l’arrivée des Oblats en 1902, les curés Desilets et Duguay ont fondé cinq autres associations : le Laïcat franciscain (Tiers-Ordre), fondé le 26 novembre 1889 pour la fraternité des femmes et le 5 janvier 1890 pour la fraternité des hommes ; la Congrégation de la propagation de la foi, fondée le 19 décembre 1891; l’Association de la Très Sainte-Famille de Jésus Marie Joseph, fondée en 1896; l’Apostolat de la prière, agrégée le 16 mai 1898; et le Scapulaire bleu de l’Immaculée Conception, 1899.

  1. Poissons des chenaux

Aujourd’hui, si le petit poisson des chenaux n’arrive dans nos rivières qu’après Noël, c’est à cause des curés Louis-Onésime Desilets (1803-1868) et Luc Desilets (1831-1888). Le premier fut curé du Cap-de-la-Madeleine de 1855 à 1860, et le second lui succéda de1864 à 1888. À leur époque, le petit poisson des chenaux, aussi appelé la petite morue ou poulamon, se pêchait dans la rivière Saint-Maurice et dans le fleuve Saint-Laurent sur la rive nord à la hauteur de Cap-de-la-Madeleine et de Champlain.

Or, à la messe de minuit de Noël en 1856, dans l’église du Cap, il n’y avait que trois hommes, les autres étant restés à leurs pêches. Le curé Louis-Onésime Désilets s’en indigna, bien évidemment. Il « leur annonça qu’à l’avenir le poisson ne les empêcherait plus de venir faire la visite à l’Enfant-Jésus dans la nuit de Noël. […] le poisson (petite morue) cessa de monter au St-Maurice et ce pendant plusieurs années. … Lorsque le grand vicaire Luc Désilets arriva ici comme curé en 1864, les choses en étaient là. Il fit beaucoup de prières; et après quelques années de prières persistantes, le poisson se mit à monter, mais en retard d’une lunaison, et ainsi il en dérangea pas les solennités de Noël. » (Louis-Eugène Duguay)

Aujourd’hui, le petit poisson se pêche dans la rivière Sainte-Anne surtout, mais aussi dans la rivière Batiscan à Batiscan et à Sainte-Geneviève-de-Batiscan. La pollution causée par les scieries et les papetières dans la rivière Saint-Maurice à partir du milieu du 19e siècle le repoussa jusque-là.

  1. Pont des Chapelets

Deux événements sont considérés aujourd’hui comme fondateurs du Sanctuaire : le prodige du pont des Chapelets en 1879 et le prodige des yeux en 1888. Ces deux événements suscitèrent autant l’admiration que la curiosité, de sorte qu’au fur et à mesure que ces événements furent connus, les pèlerins se firent de plus en plus nombreux. Le 8 septembre 1882 eut lieu le premier pèlerinage connu au petit Sanctuaire.

Le pont des Chapelets est un pont de glace formé sur le fleuve Saint-Laurent en 1879 à la suite des prières répétées des paroissiens. Qu’avait-il de spécial, ce pont de glace sur le fleuve, alors qu’il s’en formait un quasi chaque année vis-à-vis l’église de Cap-de-la-Madeleine, au cœur de la paroisse ? C’est que la température de cet hiver de 1879 n’avait pas permis qu’il se forme suffisamment de glace sur le fleuve. Il était donc impossible pour les paroissiens de se rendre sur la rive sud pour aller y chercher la pierre qui servira à la construction de la nouvelle église. Toute la pierre était là, à attendre d’être transportée. Mais la glace ne se formait pas. En janvier, on se croyait en mars, et en mars, on recevait un orage comme en juillet, la neige avait déjà commencé à fondre et les débâcles sur les rivières sont commencées, rapportent les journaux. En janvier 1879, il faisait une moyenne de température de moins 7 degrés. En février, la moyenne était de moins 6 degrés avec deux jours à plus de 0, et en mars, une moyenne de 1 degré. Durant ces trois mois, la température a été trop variable, approchant trop souvent ou dépassant le point de congélation, pour permettre la formation d’un pont de glace sur le fleuve. On peut supposer que comme ailleurs, s’il s’en formait un, la marée ou le vent le cassait. On s’en plaignait partout. Les anciens disaient ne pas avoir vu ça depuis plusieurs années.

Voyant qu’il faudrait probablement retarder la construction de l’église, faute des pierres nécessaires, le curé Desilets convainquit les paroissiens de prier pour tenter un dernier recours en demandant l’aide de la Sainte Vierge. Alors que c’était inespéré, la température se mit à refroidir. Un embâcle se forma le soir du 14 mars 1879. Les paroissiens se mirent à la tâche pour consolider le pont de glace et le baliser. Le 18 mars commencèrent les traversées de charges de pierre qui se firent jusqu’au 26 mars. On compta jusqu’à 175 voitures. La pierre était rendue, il ne restait qu’à construire le nouveau temple. Pendant ce temps, la température grimpait jusqu’à 7 degrés à Québec. Mais pendant tout ce temps, au Cap-de-la-Madeleine, sans s’arrêter, les femmes, les enfants et ceux qui ne pouvaient y travailler, avaient récité continuellement le chapelet pour la réussite de l’opération, ce qui valut à ce pont de glace la désignation de « pont des chapelets ».

En félicitant le curé Desilets, l’évêque ajouta : «j’en loue et béni le Seigneur. Mais vous avez un compte à régler avec le pays parce que vous avez retardé le printemps d’au moins quinze jours. »

  1. Prodige des yeux

Le 22 juin 1888 avait lieu l’inauguration de la chapelle du Saint-Rosaire (le Sanctuaire actuel) après les importants travaux de restauration que le curé Luc Desilets fit entreprendre deux mois plus tôt. C’est au cours de ces réparations intérieures que la statue du Saint-Rosaire « a été ôtée de la chapelle latérale où une statue de St-Joseph a été installée, et a été placée sur le grand autel […] qui devenait l’autel de la Confrérie […] » (Notes du curé Duguay en 1895). Cette translation avait été autorisée quatre ans auparavant par le supérieur général des Dominicains à Rome, le Père Joseph-Marie Larroca, o.p. (1813-1891), le 14 février 1884. Dans son décret, il précise que c’est « pour la plus grande commodité des fidèles, et pour augmenter leur dévotion au Saint Rosaire ». Pourquoi un Dominicain ? Parce que c’est eux qui coordonnaient les confréries du Rosaire partout dans le monde en vertu d’une bulle papale de 1569. Et c’est le Père Larroca qui, en 1883 au nom de l’Ordre, a obtenu du pape Léon XIII que soit ajoutée aux litanies de Lorette l’invocation « Reine du très saint Rosaire, priez pour nous. »

Au Cap-de-la-Madeleine, des visiteurs venaient déjà voir les travaux de construction de la nouvelle église paroissiale, attirés par le prodige du pont de glace de mars 1879. Après l’ouverture de la nouvelle église le 3 octobre 1880, il avait été convenu de préserver l’ancienne. Le 19 décembre 1880, lors d’une assemblée de paroissiens, il est résolu « que l’église ancienne soit réservée au culte du St-Rosaire, en action de grâces » (Procès-verbal). Elle devenait la chapelle du Saint-Rosaire. En plus des paroissiens, des pèlerins commencèrent aussitôt à la fréquenter. Les deux plus anciens groupes de pèlerins qui sont signalés datent de 1882 et de 1883. L’avenir des pèlerinages était sans doute suffisamment prometteur pour convaincre les autorités à demander au Père Larroca, en 1883, l’autorisation de déplacer la statue de Marie.

Donc, ce 22 juin 1888 eut lieu un programme de cérémonies qui réuniront de nombreuses personnes, sous la direction du curé Luc Desilets et du Père Frédéric qui venait tout juste de débarquer au pays et qui prit logis au presbytère du Cap. Le curé Desilets aurait bien aimé une manifestation du Ciel à cette occasion mais en vain. Mais le soir, vers 19 h, arrive Pierre Lacroix, âgé de 49 ans, handicapé, qui habitait non loin du Sanctuaire. Voici ce qu’il raconte au notaire Desilets en 1895 : « Je suis entré dans le Sanctuaire vers sept heures du soir, accompagné de monsieur le grand vicaire Luc Désilets et du Révérend Père Frédéric. Je marchais entre eux deux et aidé d’eux. Nous avons été nous mettre au balustre devant le maître-autel sur lequel on avait placé la statue. Monsieur le Grand Vicaire et le Révérend Père à genoux et moi assis entre les deux, sur un siège placé pour cela; car je ne pouvais me mettre à genoux â cause de mes infirmités.

Là, après m’être mis en prière, je jetai la vue sur la statue de la Sainte Vierge qui se trouvait en face de moi et aussitôt j’aperçus très distinctement les yeux de la statue grandement ouverts, mais d’une manière naturelle, et comme si elle eût regardé au-dessus de nous, et me paraissant regarder les Trois-Rivières.

J’examinais cela sans rien dire, lorsque monsieur le grand vicaire Désilets, laissant sa place qui était à ma droite, se rendit auprès du Père Frédéric. et je l’entendis lui dire: «Mais voyez-vous?» «Oui, dit le Père, la statue ouvre les yeux, n ‘est-ce pas?» «Hé, bien, oui, mais est-ce bien vrai?» Et alors je leur dis que moi ausi je voyais cela depuis quelques instants, et je fais cette déclaration solennelle, la croyant consciencieusement vraie et sachant qu’elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment. ».

En 1897, attestant que la déclaration de Pierre Lacroix était exacte, le Père Frédéric ajoute : « La statue de la Vierge, qui a les yeux entièrement baissés, avait les yeux grandement ouverts: le regard de la Vierge était fixe: elle regardait devant elle, droit à sa hauteur. L’illusion était difficile: son visage se trouvait en pleine lumière par suite du soleil qui luisait à travers une fenêtre et éclairait parfaitement tout le Sanctuaire. Ses yeux étaient noirs, bien formés et en pleine harmonie avec l’ensemble du visage. Le regard de la Vierge était celui d’une personne vivante; il avait une expression de sévérité, mêlée de tristesse. Ce prodige a duré approximativement de cinq à dix minutes. »

  1. Guérisons, protection et ex-votos

Nombreux sont celles et ceux qui attribuent à Notre-Dame-du-Cap des guérisons et protections de toutes sortes. C’est le cas de Joseph Lefebvre en 1893 qui la remercie d’avoir protégé ses bâtiments du grand incendie de Sainte-Geneviève-de-Batiscan qui menaçait tout le village. Au Sanctuaire, en plus des intercessions et des promesses de neuvaine ou de pèlerinage, les pèlerins faisaient parfois usage de la relique du lieu de la sainte Crèche, ou des Roses bénites, ou de l’huile qui brulait devant la statue. Les exemples sont nombreux dans les premiers numéros des Annales publiées à partir de 1892. Et une fois de temps à autres, les responsables du Sanctuaire prenaient soin de préciser, comme en avril 1895, que la publication des faveurs obtenues par Notre-Dame-du-Cap ne signifie pas qu’ils les reconnaissent comme un prodige ou un miracle : « Pour nous conformer au décret [du pape] Urbain VIII, nous soumettons entièrement à la Sainte Église l’appréciation des faits merveilleux, etc., rapportés dans nos Annales. »

Ou encore comme les deux ouvriers qui, le 4 septembre 1900, tombèrent d’une hauteur de 25 à 30 pieds alors qu’ils travaillaient au clocheton du tombeau de Notre Seigneur qui devait être inauguré deux jours plus tard. Le Père Frédéric les trouva derrière le monument causant et riant avec les autres ouvriers. Ils remontèrent aussitôt poursuivre leur travail, convaincus d’avoir été protégé par Notre-Dame-du-Cap.

En 1905, une autre mise en garde est faite par les gardiens du Sanctuaire : « Appellerai-je guérisons miraculeuses ces guérisons obtenues aux pieds de la Vierge du Cap et dont les preuves sont les ex-votos et les béquilles suspendues dans le sanctuaire ? Non, mes frères, car il ne m’appartient pas de le faire. C’est à l’Église seulement qu’il appartient de porter un jugement définitif sur cette matière ; mais je puis dire qu’il y a là quelque chose de merveilleux, quelque chose de semblable à ces merveilles qui ont caractérisé le berceau de tous les pèlerinages et qui frappent l’imagination populaire, un merveilleux suffisant pour animer la foi des peuples et exciter leur confiance. » (Annales, février 1905)

Un siècle plus tard, en 2004, des visiteurs demandent pourquoi les béquilles ne sont plus exposées dans le petit Sanctuaire. Signe de changement, le recteur avait alors répondu que « le domaine de la foi, ça ne se mesure pas. Nous ne voulons pas jouer la carte du sensationnalisme, mais la carte du cœur ».

À une certaine époque, les ex-votos ont été nombreux au Sanctuaire, comme dans tous les lieux de pèlerinage. Un ex-voto est, selon les dictionnaires, un objet placé dans un lieu vénéré en accomplissement d’un vœu ou en signe de reconnaissance. Au Québec, aux 17e-19e siècles, ils prenaient la forme d’un tableau. À partir du 19e siècle, c’était souvent un cœur de dévotion ou une béquille remise après une guérison ou une plaque de marbre sur laquelle était inscrite la faveur obtenue. À l’intérieur du petit Sanctuaire, les visiteurs peuvent voir plusieurs de ces plaques de marbre qui ont été offertes au Sanctuaire. Les autres sont conservées ailleurs sur le site.

À titre d’exemple, au retour de la guerre 1939-1945, les frères Villeneuve d’Ottawa avaient tenu à venir apposer au Sanctuaire une plaque de reconnaissance à Notre-Dame-du-Cap (un ex-voto) pour leur protection durant la guerre. Les sept frères habitaient la région d’Ottawa. Ils étaient les frères du Père Victor-Marie Villeneuve, o.m.i. La plaque avait été dévoilée le 15 septembre 1946 à l’occasion d’un pèlerinage des démobilisés qui a réuni 15 000 pèlerins au Sanctuaire. Elle portait l’inscription suivante « À Notre Dame du Cap, notre profonde reconnaissance pour sa protection pendant la guerre. Les 7 frères soldats de la famille d’Antoine Villeneuve. » L’histoire de ces sept frères soldats avaient été rapportée dans les journaux de l’époque.

Quant au mur de béquilles, il a été défait dans les années 1970. Quelques-unes sont exposées dans le musée.

  1. Isabelle Naud et Claudette Larochelle

Deux guérisons ont particulièrement retenu l’attention dans l’histoire du Sanctuaire, celle d’Isabelle Naud en 1948 et celle de Claudette Larochelle en 1969.

Isabelle Naud (1923-1993) est cette jeune femme invalide de Portneuf qui, le 15 août 1948, fait son pèlerinage annuel au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Depuis sa chute du haut d’un escabeau en 1938, elle est confinée à son fauteuil roulant. Après son pèlerinage, elle s’est remise à marcher et en a attribué sa guérison à Notre-Dame-du-Cap. Elle avait commencé son juvénat chez les Sœurs de la Charité de Saint-Louis, à Pont-Rouge, mais n’a pu poursuivre son rêve de devenir religieuse à cause de ce bête accident. Mais de sa chambre, lorsqu’elle a crié à sa mère « Maman, je marche », toute la famille a cru au miracle, comme le reste de la population locale puis de toute la province, informée par les journaux. L’Église n’a pas reconnu le miracle, à cause de l’absence d’un dossier médical qui reconnaissait l’état de madame Naud avant sa guérison. Mais encore en 2011 et en 2015, des livres paraissaient sur cette prodigieuse histoire.

Le 15 août 1969, Claudette Larochelle, 29 ans, atteinte de dystrophie musculaire, se lève de son fauteuil roulant sur lequel elle était attachée, marche jusqu’à la balustrade et s’agenouille aux pieds de Marie. C’était dans le petit Sanctuaire, une dizaine de minutes avant la messe de 22 h. L’événement est survenu devant une centaine de témoins et a fait la une du journal. Ce fut un événement extraordinaire, inexplicable. D’autant qu’il s’agissait d’une maladie incurable et que la progression de la maladie la condamnait à une mort prochaine. De retour chez elle, à Rouyn, elle est devenue enseignante. Elle est revenue chaque année pendant de nombreuses années pour aider durant la neuvaine en revêtant l’habit de l’Ordre de Malte, chargé d’accueillir et d’accompagner les pèlerins, particulièrement les malades. Il lui est même arrivé de parcourir la distance Ottawa/Cap-de-la-Madeleine à vélo pour venir au Sanctuaire. Les démarches visant la reconnaissance de ce miracle ont été arrêtées peu de temps après. Signe des temps, les gardiens du Sanctuaire préféraient parler de « guérison spontanée », de « transformation inexplicable par la science ». L’histoire du Sanctuaire est faite d’« innombrables guérisons intérieures au fil des ans, seules connues de Dieu, et certes de Notre­Dame du Cap… », disait récemment le Père Paul Arsenault.

  1. Pèlerinages

Le Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap est renommé pour ses pèlerinages, sa neuvaine de l’Assomption et sa Revue Notre-Dame-du-Cap.

Dès les lendemains du prodige du pont de glace de 1879, des pèlerins commencèrent à venir au Cap-de-la-Madeleine. Les archives ont conservé les traces d’un premier pèlerinage de groupe en 1882. En 1895, le curé Duguay croyait que le premier pèlerinage datait de 1883. Quoiqu’il en soit, l’activité des pèlerinages est suffisamment significative ou prometteuse pour que dès l’automne 1887, le curé Desilets et le maire Hyppolite Montplaisir (1839-1927), député fédéral, obtiennent du gouvernement fédéral la construction d’un quai au fleuve Saint-Laurent, ce qui allait grandement favoriser les pèlerinages. Le premier groupe de pèlerins à venir par bateau est un groupe de Sainte-Angèle débarqué le 30 octobre 1887. Et c’est sans doute cette effervescence qui convainquit la paroisse à entreprendre le 1er avril 1888 les travaux de restauration de la vieille église devenue chapelle du Rosaire en 1880. Le contexte local était appuyé par la popularité d’autres lieux de pèlerinages dans la région et au Québec, et en particulier par l’encyclique du pape Léon XIII sur le Rosaire le 1er septembre 1883.

En 1891, le nombre de pèlerins s’élevait à 15 000 pour cette seule année. À l’automne 1891, le curé Duguay et le Père Frédéric conviennent de publier une revue mensuelle, les Annales du Très Saint Rosaire (l’actuelle Revue Notre-Dame-du-Cap), qui commencera à paraître en janvier 1892. Dès ce premier numéro, le tirage en était à 12 000 exemplaires.

Le 19 décembre 1892, le même pape encourageait les pèlerins à visiter le Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Les pèlerinages ne viennent plus seulement des environs, ils viennent aussi des États-Unis. Cette expansion sera soutenue par la construction d’une ligne du chemin de fer jusqu’au Sanctuaire en 1896. Le premier groupe de pèlerins à venir par train est un groupe de Saint-Tite débarqué le 2 octobre 1896. Dorénavant, les pèlerins peuvent venir par voie terrestre, par bateau ou par train. En 1897 paraissait un premier Manuel du Pèlerin,

On comprendra pourquoi le curé Duguay répétait à son évêque qu’il lui fallait obtenir de l’aide. Cette responsabilité des pèlerinages s’ajoutait à celle de curé de paroisse, le curé Duguay ne suffisait pas à la tâche. L’évêque tardait à répondre à la demande du curé qui proposait que la paroisse et l’œuvre des pèlerinages soient confiées aux Oblats de Marie Immaculée. Il finit par acquiescer. Le 4 mai 1902 arrivèrent les premiers Oblats. Ils entreprirent un vaste programme de restauration, de construction et d’aménagement des terrains.

En 1912, il y eut 64 pèlerinages organisés regroupant plus de 60 000 pèlerins. Les groupes viennent peu durant l’hiver, jusqu’à ce que l’annexe du Sanctuaire soit chauffée à partir de 1948. Dans les années 1960, on comptait 1 500 000 pèlerins au Cap-de-la-Madeleine dont la moitié provenait des États-Unis. Pour accueillir tout ce monde, il fallait quelque 230 employés. Comme partout ailleurs, le nombre de visiteurs a diminué avec la baisse de la pratique religieuse. Récemment, le Sanctuaire s’est donné pour mission d’« [Être] un lieu d’accueil et d’accompagnement des chercheurs de sens et des assoiffés de Dieu. »

  1. Neuvaines et fête de l’Assomption

Au 19e siècle, il était recommandé de faire une neuvaine pour se préparer à un pèlerinage, au Cap comme ailleurs. Au Cap-de-la-Madeleine, c’est la fête du Saint-Rosaire, le 12 octobre, qui était le plus célébrée, mais cette fête n’était pas précédée d’une neuvaine. Après le couronnement de la statue de Marie le 12 octobre 1904, il a été d’usage de souligner l’anniversaire de ce couronnement, surtout à partir de 1911. Au moment d’en célébrer le 15e anniversaire, en 1919, les Oblats décidèrent de le faire le 15 août plutôt que le 12 octobre. À partir de cette année-là, la fête du 15 août deviendra la date principale de la programmation du Sanctuaire.

Dès l’année suivante, en 1920, la fête du 15 août aura rassemblé quelque 8000 personnes. Elle était précédée d’une neuvaine préparatoire. Il s’agit vraisemblablement de la première neuvaine au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, organisée comme on l’entend aujourd’hui. La fête de 1920 s’est terminée par une procession du Saint-Sacrement sur les parterres, chacun ayant un cierge à la main.

Durant plusieurs décennies, ce sont des Pères Oblats qui ont assuré la prédication durant la neuvaine. En 1978, un prêtre séculier est ajouté à la liste des prédicateurs. En 1980, une première femme, Pierrette Desmarais (1943-), est ajoutée. Elle reviendra encore en 1985. En 1986, trois femmes seront prédicatrices : Sœur Rita Gagné, ursuline, Suzanne Labbé, l’une des animatrices de La Flambée, et Suzanne Rousseau, professeur à l’UQTR. Depuis ce temps, durant la neuvaine, des laïcs, des femmes et des prêtres séculiers font des prédications en plus des Oblats.

La neuvaine est diffusée par la télévision communautaire depuis 1975. Elle l’a été aussi plusieurs années à la radio à compter de 1979. Elle est enregistrée depuis 1984 et diffusée sur cassettes puis sur DVD et maintenant sur YouTube.

  1. Eau miraculeuse

En 1894, une pompe à eau avait été installée près du Sanctuaire au service des pèlerins. Le curé Duguay écrit : « Sur le terrain de l’église, à environ cent pieds des deux chapelles [le petit Sanctuaire et la troisième église], nous avons installé une pompe sur un tuyau de fer enfoncé dans le sable jusqu’à la couche d’eau. Il y a une source d’eau abondante à cet endroit. Elle n’a jamais manqué. Les pèlerins vont à ce puit avec dévotion et apportent de l’eau chez eux. Ils attribuent des guérisons vraiment miraculeuses aux vertus de cette eau. » L’eau sera détournée en 1914 plus à l’ouest où sera érigée une petite grotte par l’architecte-paysagiste Clovis Degrelle.

En 2014, la grotte a été remplacée par l’aménagement actuel, dorénavant accessible aux personnes en fauteuil roulant. Il porte une inscription rappelant une invitation faite par Marie lors d’une de ses apparitions à Lourdes en 1858.

Les capsules historiques de Cap-Jeunesse faites en 2020.

Histoire du Petit Sanctuaire : https://youtu.be/nU6XquCPsOU
Sacristie du Sanctuaire : https://youtu.be/sCnycahKt5o

Lac Ste-Marie : https://youtu.be/sNTRHUy6Noc
Annexe et cimetière: https://youtu.be/CybIVs4-_cw

Anecdote des couronnes: https://youtu.be/ATLIha-Mp8w
Prodige des yeux: https://youtu.be/-OXn8yFbQoI

La source: https://youtu.be/3wewwvelt08
Jaques Buteux: https://youtu.be/rwEGAL6fNes
Chemin de croix: https://youtu.be/yIDXA9PWQ9k